2026 : encore une bonne année pour les actions ?
C’est la saison des prévisions. Cashbee n’est pas la seule à publier ses pronostics pour l’année à venir. Comme chaque fin d’année, les stratégistes des grandes banques d’investissement publient leurs anticipations pour les marchés actions. Le consensus pour 2026 est clair : les indices devraient encore progresser, mais à un rythme plus modeste que ces dernières années. Doit-on se fier à ces prévisions, produites par des experts ?
Une année à +10% (en moyenne) ?
Pour les actions américaines, de nombreuses banques tablent sur des hausses de l’ordre de 8 à 12%, tandis que l’Europe et le Japon sont attendus en territoire positif, mais avec des performances un peu moins flamboyantes.
À date, les équipes de Deutsche Bank sont les plus optimistes et tablent sur un +16,7% pour un S&P 500 qui devrait, selon eux, atteindre les 8000 points. Bank of America est moins bullish, mais voit ce même indice atteindre les 7100 points, pour une hausse de 5%.
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L’idée générale est que la dynamique de 2025 – portée par la diffusion de l’intelligence artificielle à travers tous les secteurs de l’économie, la désinflation progressive et la perspective de baisses de taux – pourrait stimuler la rentabilité des entreprises et soutenir les marchés, même si le moteur tourne moins vite.
En toile de fond, beaucoup d’analystes restent convaincus que le cycle boursier alimenté par la technologie n’est pas terminé, mais qu’il devient plus exigeant.
Trois piliers pour justifier l’optimisme
Pour justifier leurs pronostics, les économistes des grandes banques avancent, globalement, trois arguments.
Le premier, c’est la croissance des bénéfices. Le consensus anticipe encore une progression solide des profits, avec des estimations d’environ 14% de croissance bénéficiaire en 2026 pour les grandes capitalisations américaines, en particulier dans la technologie, mais aussi pour les valeurs directement exposées à l’industrialisation de l’IA.
Les plans d’investissement massifs en data centers, semi‑conducteurs et logiciels spécialisés nourrissent l’idée d’un « supercycle » d’IA qui soutiendrait les résultats sur plusieurs années.
Deuxième argument : le scénario de « soft landing ». Une large partie des maisons de recherche considère que l’économie mondiale peut ralentir sans plonger en récession, grâce à une inflation en voie de normalisation et à des banques centrales capables de baisser les taux sans rallumer la flambée des prix. Dans ce scénario central, la croissance reste modérée mais positive, ce qui suffit pour que les entreprises continuent à améliorer leurs marges, tout en bénéficiant de conditions financières un peu moins restrictives.
Enfin, troisième argument : la diffusion de l’IA au‑delà des « méga‑caps » vedettes. Après une phase dominée par quelques géants comme Nvidia et consorts, de plus en plus de rapports insistent sur l’élargissement potentiel du thème vers les infrastructures, l’industrie, l’énergie et une multitude d’applications plus “invisibles”. Autrement dit, l’IA serait moins un feu d’artifice isolé qu’un courant de fond, capable de générer des gains de productivité dans un large éventail de secteurs.
Des prévisions souvent trop roses
Le biais humain et professionnel des analystes
Peut-on faire confiance à ces prévisions ? La réponse courte est “non, pas vraiment”.
En effet, sur le long terme, plusieurs études académiques montrent que les analystes de banques d’investissement ont eu tendance à surestimer la performance future des marchés et la croissance des bénéfices.
Ce sur-optimisme s’explique par un mélange de biais humains (tendance à extrapoler les “bonnes nouvelles”, difficulté à envisager des ruptures négatives) et d’incitations professionnelles : il est plus confortable, pour les analystes, de justifier des valorisations élevées et de projeter une forte croissance que d’annoncer brutalement que les cours sont trop chers. Car leurs employeurs, les grandes banques d’affaires, ont plus à gagner de clients confiants et d’un contexte de marché optimiste et orienté à la hausse.
La complexité d’aller à contre-courant
Ensuite, il ne faut pas ignorer le courage nécessaire pour s’afficher à contre-courant du consensus de marché.
Prenons un cas concret. En août 2006, Peter Schiff, président du gestionnaire Euro Pacific Capital, déclarait publiquement que « l'économie américaine sera freinée par trop de consommation et d'emprunt, et pas assez de production et d'épargne ». Il prévoyait explicitement que « le consommateur américain va arrêter de consommer et commencer à reconstituer son épargne, surtout quand son capital immobilier s'évaporera ». Menant à une récession inévitable, l'économie US représentant 70% de la consommation.
Il ajoutait que « les prix immobiliers stratosphériques vont s'effondrer », avec un resserrement des standards de crédit par les prêteurs et le gouvernement. Ces avertissements étaient moqués à l'époque - il était qualifié de « voix solitaire et mal aimée » sur les plateaux TV - mais validés par le krach de 2008.
Cet exemple souligne deux aspects de celui ou celle qui parie sur un effondrement de marché, alors que le consensus reste optimiste. Tout d’abord, son analyse peut être juste, mais cela peut prendre plusieurs années avant que l’exubérance irrationnelle des marchés se corrige, pour revenir aux fondamentaux économiques.
Pendant ce temps, le fait d’être une des rares voix dissonantes peut ressembler à une traversée du désert. Car en attendant la chute des marchés, ceux qui suivent la recommandation à contre-courant passent à côté de la hausse des indices. Ce qui représente un coût d’opportunité significatif.
Les révisions au fil du temps
Les travaux empiriques montrent ainsi que les prévisions de croissance à long terme sont souvent revues à la baisse au fil du temps, et que les périodes de forte euphorie boursière s’accompagnent presque toujours de scénarios de profits irréalistes qui finissent par décevoir.
Pour un investisseur, cela signifie qu’il faut traiter ces anticipations avec prudence : non pas les ignorer, mais les “décoter” mentalement, en gardant à l’esprit que les modèles intègrent souvent plus de désir que de véritable probabilité.
Une enquête récente auprès de stratégistes souligne d’ailleurs ce paradoxe : tout en visant des indices plus hauts pour fin 2026, plus de la moitié d’entre eux jugent probable une correction significative en cours de route. Autrement dit, le scénario de base est haussier… mais la route pour y arriver pourrait être chaotique. Pour un investisseur, cela implique que la trajectoire compte autant que le point d’arrivée.
Trois grands risques qui peuvent tout changer
Les risques identifiés qui pourraient casser la dynamique positive, et transformer le marché “bull” en marché “bear” sont nombreux. Trois risques sont le plus régulièrement mis en avant.
Des valorisations boursières historiquement élevées
Premier risque : les valorisations boursières. Après plusieurs années de hausse, les multiples de certaines grandes valeurs technologiques sont redevenus très élevés, parfois comparés – avec prudence – aux excès de la bulle Internet. Tant que les bénéfices suivent et que l’enthousiasme autour de l’IA reste intact, cette cherté peut être tolérée ; mais si la monétisation déçoit ou si les gains de productivité tardent, une correction sur ces leaders pourrait peser sur l’ensemble des indices.
Le risque inflationniste
Deuxième risque : la politique monétaire et l’inflation. Une partie non négligeable de l’optimisme actuel repose sur l’idée de plusieurs baisses de taux d’ici fin 2026. Si l’inflation se révèle plus tenace que prévu, ou si la croissance reste suffisamment robuste pour inciter les banques centrales à la prudence, les marchés pourraient être déçus par un rythme de détente monétaire plus lent, voire par une pause prolongée. Dans un tel cas, la revalorisation des actifs risqués deviendrait plus difficile à justifier.
Le risque géopolitique
Troisième bloc de risques : géopolitique et commerce mondial. Les analyses macro récentes insistent sur l’impact potentiel de tensions accrues autour des grandes zones de friction (Ukraine, Moyen‑Orient, détroit de Taïwan), des guerres commerciales et de la fragmentation des chaînes de valeur. Ces chocs peuvent rogner les marges, perturber l’investissement et éroder la confiance des investisseurs, sans forcément apparaître dans les scénarios centraux. Comme toujours, les vrais “accidents” viennent rarement de là où le consensus les attend.
Que doit en retenir l’investisseur particulier ?
Pour un investisseur, le message principal est double. D’un côté, le consensus reste plutôt constructif : la probabilité d’une année 2026 en hausse est jugée supérieure à celle d’une année franchement négative, même si les rendements attendus sont plus modestes que par le passé.
De l’autre, ce scénario dépend de plusieurs conditions qui doivent toutes être alignées : désinflation maîtrisée, croissance correcte, absence de choc géopolitique majeur, et IA qui continue de délivrer ses promesses sans déclencher de bulle incontrôlée.
En pratique, ces prévisions doivent être vues comme une information parmi d’autres, pas comme un GPS infaillible. Un investisseur prudent a tout intérêt à conserver une bonne diversification, à se méfier des concentrations excessives sur quelques thèmes « à la mode » et à garder une marge de sécurité dans son allocation. Car, au fond, le risque ne vient pas seulement de ce que le consensus voit et commente abondamment… mais aussi de tout ce qu’il ne voit pas encore.


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