Apple: nouvelle banque?

Oct 19, 2022

Apple vient d’annoncer que ses utilisateurs aux US pourront bientôt ouvrir un compte d’épargne rémunéré. Dans le prolongement des services de paiement, via Apple Pay, et du paiement fractionné, via Apple Pay Later, il est clair que la marque à la pomme étend progressivement le nombre de services financiers qu’elle propose. Qu’est-ce qui peut expliquer cette stratégie délibérée, qui fait trembler tous les patrons de banques ?

Une transition vers de plus en plus de services !

Apple est avant tout connu pour ses innovations technologiques “hardware”, combinées avec un design produit exceptionnel. Pour résumer la popularité de ses produits, deux chiffres suffisent : plus d’un milliard de personnes possèdent au moins un iPhone et, depuis cette année, plus d’un smartphone sur deux vendu aux US est un iPhone.

Mais au-delà de l’extension et du renouvellement de sa gamme de smartphones, tablettes, écouteurs et ordinateurs, Apple s’est fortement développée dans ce qu’elle appelle “les Services”. Plus discrètement, mais avec énormément de succès.

Ces services couvrent un vaste univers. Ils vont du stockage de données sur iCloud, à l’App Store, sur lequel Apple prélève 15% à 30% des revenus générés par les producteurs d’applications payantes. En passant par les abonnements à Apple Music et à Apple TV+. Et, depuis quelques années, des services financiers de plus en plus étendus.

L’importance des services dans l’expérience globale d’Apple

Avant de rentrer dans le détail des services financiers, arrêtons nous rapidement sur le poids qu’ont pris les services pour Apple. En 2014, la division produisait environ 4 milliards de Dollars de revenus pour l’entreprise. Au dernier trimestre, ce chiffre atteignait pas loin de 20 milliards de Dollars, soit pas loin du quart du total du chiffre d’affaires de la société. Mais surtout, les services croissent plus vite que la vente d’iPhones, iPads et Macs et ils dégagent une marge plus importante.

Au dernier trimestre, 860 millions de personnes dans le monde avaient au moins un abonnement payant avec Apple. Générant ainsi un flux régulier et de plus en plus important de profits pour l’entreprise.

L’offre de services financiers s’étend

Apple avance vite

Dans le domaine des services financiers, Apple est un jeune acteur. Son service de paiement Apple Pay n’a été introduit qu’il y a 8 ans. Sa carte de crédit a été lancée en 2019, et n’est disponible qu’aux États-Unis. Elle a été élaborée en partenariat avec Goldman Sachs, la banque américaine et Mastercard. Apple Pay et Apple Card proposent un système de cashback de 2% et 1% respectivement.

En juin, la firme annonce se lancer dans le paiement différé, avec une offre appelée Apple Pay Later. Elle permet aux utilisateurs d’IPhones et de Mac aux US de régler leurs achats en 4 fois sans frais. Et donc de faire directement concurrence à des spécialistes du “Buy Now, Pay Later” (achetez maintenant, réglez plus tard) comme Klarna et Affirm.

Dans la foulée, Apple vient d’annoncer le lancement d’un compte d’épargne rémunéré, toujours en partenariat avec Goldman Sachs, avec qui les liens s’approfondissent.

De solides atouts pour réussir

La firme de Cupertino possède un certain nombre d’avantages concurrentiels uniques pour réussir dans le domaine des services financiers, là où d’autres ont sans doute plus de mal.

Le premier est que ses iPhones se trouvent déjà dans les poches de plus d’un milliard de consommateurs de services financiers ! Par ailleurs, elle jouit d’une image de marque très forte, qui inspire plutôt confiance. L’acquisition de clients pour ses services financiers se fera d’autant plus facilement. 

En outre, Apple dispose d’énormément de données sur ses utilisateurs. Ce qui lui permet d’offrir des parcours clients ultra-simples. Pas la peine de demander les coordonnées de celui ou celle qui veut bénéficier d’un crédit court terme, elle les possède déjà.

Mais cela va bien plus loin. Car elle possède une solide connaissance des profils de crédit de ses utilisateurs. Ses algorithmes savent qui parmi ses clients paie systématiquement sa facture Apple Card à l’heure, et qui prend parfois du retard. Qui dispose de beaucoup de liquidités sur son Wallet. Où les utilisateurs dépensent leur argent et à quel moment... 

Apple dispose ainsi d’informations cruciales lui permettant de cibler ses utilisateurs avec les produits financiers les plus pertinents pour eux, au bon moment. Mais aussi de maîtriser son risque en évitant de fournir du crédit aux potentiels mauvais payeurs.

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Sans devenir une banque ?

L’avantage concurrentiel le plus important

Apple a réussi à se positionner sur l’ensemble de ces activités financières sans formellement devenir une banque. Pour la partie régulée de ces activités, elle repose sur les licences de ses partenaires, comme Goldman Sachs par exemple. C’est un détail important car cela permet à la marque à la pomme de se soustraire aux obligations réglementaires qui s’imposent aux banques. Or celles-ci sont lourdes et coûteuses. 

En effet, une banque doit à tout instant disposer d’un niveau capital élevé et proportionnel aux risques qu’elle prend, ainsi que des liquidités importantes. En outre, les exigences en matière de reporting et de contrôle imposent aux banques d’employer des équipes coûteuses d’auditeurs internes et de spécialistes en conformité.

Bref, Apple a su — pour l’instant — se positionner de telle sorte qu’elle peut extraire un maximum de valeur des services financiers qu’elle propose, sans avoir à en assumer les lourdeurs réglementaires qui les accompagnent.

Goldman Sachs tire son épingle du jeu

Pourquoi la prestigieuse banque d’affaires Goldman Sachs a-t-elle conclu des partenariats avec Apple ? La question mérite d’être posée, puisque la banque met ainsi son statut de banque supervisée au service d’un mastodonte technologique qui se lance dans des activités concurrentielles.

Les motivations pour Goldman sont pourtant compréhensibles. Pour elle, les partenariats sur les cartes de crédit et bientôt les comptes d’épargne rémunérés font sens. 

La première lui permet de diversifier ses sources de revenus. Elle est avant tout une banque d’affaires et de marché, deux activités très profitables, mais volatiles. Les activités de banque de détail telles que les cartes de crédit lui procurent des revenus unitairement modestes, mais stables.    

La seconde lui permet de collecter les dépôts dont elle a besoin. En effet, ne disposant pas d’un réseau d’agences, elle n’a pas de moyens naturels pour attirer les dépôts des épargnants, qui constituent une source de financement granulaire, stable et peu chère. 

Les grandes banques se sentent menacées

Dans le monde très concurrentiel de la banque de détail, la menace d’un nouvel entrant de la taille et de la notoriété d’Apple n’a pas été ignorée. Cela fait des années que les dirigeants de banques s’y préparent. Jamie Dimon, le patron de JP Morgan, la plus grande banque de la planète, l’a souligné cette année en parlant d’une compétition féroce à venir dans le monde bancaire.

Il déclare : “Ils ont déjà le Apple Wallet. Ils veulent te donner une sorte d’expérience de crédit. Ils vont faire du traitement de paiements marchands, ils vont faire du crédit à la consommation. Sans utiliser leur bilan peut-être. Mais c’est une banque. C’est une banque. Ils n’ont peut-être pas de dépôts garantis, mais c’est une banque. Si tu mouvementes de l’argent, détiens de l’argent, gères de l’argent, prêtes de l’argent, tu es une banque.”

Son argument, en creux, paraît clair. S' il doit accepter la concurrence de plus en plus forte d’Apple, il aimerait se battre à armes égales, avec les mêmes contraintes réglementaires s’imposant à tous. 

Les régulateurs bancaires aux US et en Europe se penchent déjà sur le sujet, aujourd’hui peu régulé, du paiement différé. Jamie Dimon aimerait sans doute que leur attention se porte également sur l’ensemble des initiatives qu’Apple déroule dans les services financiers.

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