Buy now, Pay later: pour ou contre?

Jun 14, 2022

L’univers de la banque attire énormément de start-ups. Revolut, Lydia ou N26 révolutionnent le compte courant (entre autres). Stripe et Mangopay sont leaders dans le paiement. Trade Republic ou Robinhood s’attaquent à celui de l’investissement en bourse. D’autres se spécialisent dans le secteur du crédit à la consommation. Le concept du “Buy Now, Pay Later” (“Achetez maintenant, payez plus tard”) a connu un succès particulièrement remarquable. Fonctionnalité utile ou fausse bonne idée ? Nous revenons dessus dans cet article. 

Comment ça marche ?

L’idée de départ est aussi simple qu’elle est ingénieuse. Des fintechs comme Affirm aux États-Unis, le suédois Klarna ou les français Alma et Oney donnent à des consommateurs la possibilité de régler leurs achats en ligne en plusieurs fois, sans frais, sur une période allant de quelques semaines à quelques mois.

Vous avez probablement vu ce genre d’option de paiement sur un nombre croissant de sites e-commerçants — les services de Klarna sont proposés chez 400 000 marchands ! — y compris pour des achats modestes. 

La suite se déroule typiquement très vite : une brève vérification d’identité, peu intrusive et user-friendly, et vous voilà équipé d’un micro crédit.

“Que du bonheur”, n’est-ce pas ?

Le modèle explose durant le Covid

Le modèle BNPL (Buy Now, Pay Later) a grandement profité de la crise du covid. Si la consommation via internet était déjà largement adoptée par les “millenials”, les générations d’avant se sont vues forcées de s’y mettre pendant les confinements successifs. Et dans une période de forte anxiété, la perspective d’étaler certaines dépenses a logiquement séduit.

Grand gagnant, le Suédois Klarna, lancé en 2005, s’est installé dans 45 pays et a convaincu quelques 147 millions de consommateurs. À titre de comparaison, l’américain Affirm, fondé en 2012, ne compte “que” 11 millions d’utilisateurs.

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Comment les fintechs BNPL gagnent leurs vies ?

Acheter maintenant pour payer plus tard, sans frais, trop beau pour être vrai ? Le business model est en réalité très simple. 

Les BNPL se rémunèrent de deux façons 

D’abord, elles perçoivent une commission des marchands à chaque fois que le service de paiement différé est utilisé par un consommateur. La raison à cela est très simple : ce service augmente radicalement le taux de succès d’une vente. Il est donc normal que le vendeur consente à un petit cut.

Mais ce n’est pas tout. Dans le cas d’Affirm par exemple, certains prêts sont à taux zéro, mais pas tous. Certains prêts peuvent comporter des intérêts, selon le site marchand, le montant de l’achat, ou encore la durée du prêt. Ces intérêts peuvent grimper jusqu’à 30% sur une base annualisée ! 

Sans oublier des frais de pénalité

Enfin, chez certains acteurs, un retard de paiement entraîne la facturation de  pénalités de retard, à des taux qui sont évidemment élevés. Sur papier, le modèle BNPL est donc plutôt robuste. Mais le diable est comme toujours dans les détails.

Les risques du modèle apparaissent

Les défauts augmentent

Pour être rentable, il faut que les revenus générés par les acteurs du BNPL soient supérieurs aux défauts qu’elles enregistrent. Autrement dit : il faut que leurs commissions soient supérieures aux prêts qu’elles n’arrivent pas à faire rembourser. Il arrive en effet que des utilisateurs achètent maintenant, mais ne payent pas plus tard ! Dans ce scénario, la perte est supportée par l’intermédiaire (Klarna, Affirm, Oney…), puisque le marchand, lui, est payé par la fintech au moment de la vente.

Or, avec la détérioration récente des conditions économiques (inflation, guerre en Ukraine,…), les consommateurs commencent à se serrer la ceinture. Ils dépensent moins. Statistiquement, ils ont donc moins recours aux Buy Now, Pay Later.

Pire, pour les mêmes raisons, le pourcentage de défauts est en constante augmentation. Chez Klarna par exemple, il a atteint 1,9% du total des avances faites aux consommateurs. Il ronge ainsi un tiers des revenus de la société. 

C’est encore moins rose du côté d’Affirm, chez qui les retards de paiement concernent plus de 6% des prêts fin 2021. La réaction des actionnaires d’Affirm ne s’est pas faite attendre, le titre accuse une baisse de près de 90% depuis son plus haut, atteint en novembre dernier.

Ce phénomène risque de s’empirer dans les mois à venir. Car l’envolée de l’inflation rogne le pouvoir d’achat.

Le surendettement stimulé ? 

C’est la question qui se pose de plus en plus régulièrement. Le BNPL est en fait un crédit à la consommation qui ne dit pas son nom. Pour certains utilisateurs peu avertis, il pourrait être synonyme de surendettement, surtout quand on constate la simplicité avec laquelle on peut profiter du service.

Bien sûr, les leaders du “Achetez maintenant, payez plus tard” s’en défendent et précisent qu’ils mettent en évidence les coûts et pénalités liés aux retards de paiement.

Toujours est-il que ce sont notamment les consommateurs les plus fragiles financièrement qui ont recours à ce système. Comme ce secteur n’est pas aussi strictement régulé que le secteur bancaire par exemple, il est difficile d’en mesurer l’impact sur la société plus largement. 

La menace d’Apple Pay (Later !)

Pour ne rien arranger, la marque à la pomme vient d’annoncer qu’après sa carte de crédit, elle allait lancer sa propre fonctionnalité de paiement différé. Avec Apple Pay Later (sans grande originalité), le géant de la tech continue de tirer profit de sa clientèle captive, tant du côté des marchands que du côté des consommateurs, et semble bien parti pour s’imposer immédiatement comme un des acteurs dominants du BNPL. Autre fait notable : avec ses dizaines de milliards de dollars de trésorerie, Apple peut se permettre d’absorber quelques pertes.

En résumé, le secteur du paiement différé a connu une expansion extraordinaire ces dernières années. Mais il doit maintenant transformer l’essai et prouver sa robustesse dans un contexte plus difficile. La pression réglementaire monte, la concurrence se fait plus vive, des questions sur les possibles effets secondaires néfastes apparaissent. Quand on sait que Klarna va licencier 10% de sa masse salariale, on comprend que des nuages apparaissent à l’horizon. La question est de savoir qui traversera la tempête.

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