Twitter Musk, et maintenant?

Nov 8, 2022

Elon Musk, l’homme le plus riche du monde, ex-Paypal, fondateur de Tesla et de SpaceX vient d’acquérir Twitter pour la modique somme de 44 milliards de Dollars (oui, il l’a fait ! Lisez cet article pour savoir comment). L’opération en elle-même a fait couler beaucoup d’encre, mais les premières mesures que Musk a annoncé depuis sa prise de fonction en tant que “Chief-Twit” en font couler tout autant. Explications.

Une acquisition au prix fort

J’aime Twitter un peu, passionnément, pas du tout …

Le milliardaire avait initialement annoncé son intention d’acquérir le réseau social au début de l’année, pour retirer son offre quelques semaines plus tard. Sous la menace de poursuites juridiques, il a fini par la remettre sur la table. Le deal a finalement été conclu la semaine dernière au prix initialement proposé de 44 milliards de Dollars. 

À ce tarif (qui correspond à un prix par action de 54 Dollars et 20 centimes), de nombreux analystes estiment que Musk a surestimé la valeur du réseau social. Musk lui-même admet avoir “évidemment sur-payé”. Après tout, il s’agit d’une entreprise qui a perdu de l’argent durant 10 des 12 dernières années. 

Mais si un entrepreneur est capable de retourner la situation, cela pourrait bien être Elon Musk, qui n’en est pas à son premier pari audacieux. Qui aurait pu imaginer que sa percée sur le marché de l’automobile avec Tesla deviendrait un tel succès ?

Le “levier” pour financer l’acquisition

Ceci étant dit, il va falloir un petit miracle pour faire de ce rachat un véritable succès business. Car une grande partie de la dette contractée par Musk pour acheter l’entreprise est en fait portée par… Twitter ! C’est ce qu’on appelle un “leveraged buyout”.

Pour être précis, sur les 44 Milliards qu’ont coûté la transaction, Twitter s’est endetté à hauteur de 12,7 milliards de Dollars. Oui, on sait : c’est un peu bizarre pour une entreprise de s’endetter pour financer son propre rachat, mais c’est assez fréquent dans le monde de la fusion acquisition. 

Il n’en reste pas moins que cette gigantesque dette va peser sur les finances de Twitter, qui perdait déjà de l’argent avant de la contracter.

Les analystes ont calculé que la charge financière de Twitter, qui n’était que de 51 millions de Dollars en 2021, va atteindre le milliard de Dollars en 2023. Dans ce contexte, on comprend que pour faire de Twitter une entreprise rentable, des mesures radicales sont nécessaires.

Un cost-killing à la hache

Pour redresser la barre, il n’y a pas trente-six solutions selon Musk. Il faudra rapidement réduire la base de coûts, et significativement augmenter les revenus. Jusque là, rien de bien original.

Réduction massive des effectifs

Et on peut dire qu’il n’a pas perdu de temps. Le jour même de la signature du deal, le PDG de Twitter, et plusieurs autres membres du top management ont été remerciés sur le champ. 

Le surlendemain, Musk indique vouloir diviser le nombre d’employés par deux. “Malheureusement, il n’y a pas d’autres choix, quand la société perd 4 millions de Dollars par jour” explique le milliardaire dans un tweet. Ainsi, vendredi dernier, de nombreux employés se sont retrouvés sans accès à leurs comptes professionnels. Une façon brutale d’apprendre qu’ils n’étaient plus les bienvenus.

Un changement brutal de culture

Aller aussi vite permet de ne pas laisser planer le doute longtemps, mais risque de sérieusement affecter le moral des troupes restantes et la culture de l’entreprise plus largement. Pour ne rien arranger, Musk a supprimé la possibilité de faire du  télétravail et a demandé aux équipes de travailler jour et nuit pour sortir de nouvelles offres. Un changement de rythme extrêmement mal reçu par les employés.

Augmenter les revenus à tout prix

L’abonnement payant contesté

La première idée de Musk pour booster les revenus est simple. Il souhaite faire payer 8 Dollars par mois aux utilisateurs dits “certifiés”, c’est-à-dire dont on a vérifié l’identité. La réponse de l’auteur à succès Steven King, via un tweet, en dit long : “Fuck that, they should pay me” - comprenez, “C’est eux qui devraient me payer”

Mais si la mesure fait sens d’un point de vue purement financier, elle ne sauvera pas non plus Twitter. Aujourd’hui, 90% de ses revenus proviennent de la publicité. Musk a raison de vouloir réduire ce niveau de dépendance. Mais l’abonnement payant ne transformera pas, à lui seul, la situation financière de Twitter. Si les 400 000 abonnés qui jouissent aujourd’hui du badge bleu acceptaient de payer pour le conserver, cela ne représenterait “que” 41 millions de Dollars de revenus annuels.  

Des annonceurs en attente de clarification

Du côté des annonceurs, l’arrivée du multi-milliardaire à la tête du réseau social n’a pas fait que des heureux. Plusieurs gros clients, dont General Motors, Volkswagen, General Mills, Mondelez et Carlsberg, ont officiellement mis en pause leurs dépenses sur Twitter, en attendant plus de clarté sur la stratégie du réseau.

Ils craignent notamment un changement radical dans la modération, le filtrage et la vérification du contenu. Car Musk croit en la liberté d’expression absolue. Il a par exemple indiqué que sous sa direction, personne ne pourrait être exclu à vie de la plateforme. Or Twitter a déployé d’énormes efforts pour réduire les discours haineux et les fake news qui ont terni son image. C’est ainsi que l’ancien président Donald Trump avait été banni. Son compte, pourtant hyper actif et très suivi, a été clôturé. 

Musk est conscient du risque et a déjà prévenu qu’il s’attendait à une “chute massive des revenus”, mais ne semble pas vouloir changer de positionnement sur le sujet. Car il croit fondamentalement que plus de débats, plus de confrontations d’opinions généreraient plus d’intérêt et de trafic sur la plateforme, attirant plus d’utilisateurs.

Profitabilité versus protection de la vérité

Et c’est bien le fond du problème. De nombreux spécialistes en cybersécurité alertent sur les abus et les manipulations potentielles que des personnes et des organismes malveillants pourraient entreprendre, si les règles de sécurité étaient relâchées. En ayant spécifiquement en tête les élections présidentielles aux USA en 2024.

Typiquement, s’il suffit de payer 8 dollars par mois pour obtenir une certification et par conséquent une portée plus importante sur Twitter, n’importe qui pourrait théoriquement payer cette somme et légitimer des milliers de faux comptes, puis manipuler les foules à grande échelle.

Affaire à suivre, sans doute via Twitter !

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