Un bon banquier privé, ça existe ?
(Spoiler : oui… mais pas pour tout le monde !)
La quête du banquier idéal
Certains cherchent l’âme sœur, d’autres le restaurant parfait, et puis il y a ceux qui se demandent, avec une pointe d’ironie : « existe-t-il vraiment un bon banquier privé ? ». Pour être parfaitement transparent, le sujet pour cet article nous a été soufflé par un contact sur LinkedIn, qui a posé ouvertement la question, après un échange entre quatre entrepreneurs, tous frustrés à ce sujet.
Le banquier privé peut paraître comme un magicien : il s’occupe des fortunes, il sort des solutions financières de son chapeau, et il parle un langage mystérieux fait de pourcentages, d’actifs et de solutions de diversification.
Pour d’autres, il évoque surtout des images de réunions feutrées, de cafés servis dans de la porcelaine immaculée, et de comptes suisses qui sentent bon la discrétion. Mais avec beaucoup de paperasse à la clé.
Et pour de nombreuses personnes, le bon banquier privé est surtout celui qui nous manque, quand, au bout d’un an de bons et loyaux services, notre contact hyper efficace et réactif à l’agence bancaire est muté, pour être remplacé par quelqu’un, disons, de moins compétent, et impossible à joindre car en RTT, en télétravail puis « en formation ».
Mais au-delà de la caricature, la question est sérieuse : qu’attend-on d’un « bon banquier privé » ? Et surtout, est-ce que cette figure quasi mythologique existe dans le monde réel ?
Spoiler : oui. Mais… pour la trouver ce n’est pas si simple.
Le rôle (pas si mystérieux) du banquier privé
Avant de parler de ses qualités, mettons les pendules à l’heure : un banquier privé n’est pas un simple conseiller bancaire, ni un courtier, ni un gestionnaire d’actifs isolé. Il est un véritable chef d’orchestre de votre patrimoine.
Ses missions principales
Il sait analyser votre situation globale et la comprendre, à commencer par vos revenus, la constitution de votre patrimoine, vos convictions et vos objectifs (achat d’une résidence secondaire, transmission aux enfants, création d’une fondation…).
C’est sur la base de ce point de départ qu’il va définir une stratégie de gestion patrimoniale. Cela va bien au-delà des placements financiers. On parle aussi de fiscalité, de structuration d’entreprises familiales, d’art, d’immobilier, voire de mécénat.
Le bon banquier privé ne sait pas tout, et c’est à lui de coordonner les experts nécessaires pour exécuter la stratégie patrimoniale. Notaires, fiscalistes, avocats, gérants d’actifs spécialisés, … : le banquier privé est le point de convergence.
Pour faire simple, le bon banquier doit savoir écouter, interpréter, et traduire ce que lui exprime son client.
Et c’est ici que commence la vraie différence entre « un banquier » et « un bon banquier privé ». Car la technique, beaucoup la possèdent. L’oreille fine et l’intelligence relationnelle, beaucoup moins.
Les qualités d’un excellent banquier privé
Alors, quelles sont les valeurs sûres pour distinguer un bon banquier privé d’un banquier simplement « correct » ?
1. L’écoute active
On pourrait croire que cela va de soi, mais non : certains banquiers croient encore qu’impressionner leur client par un jargon complexe suffit à « créer de la valeur ». Le bon banquier privé, lui, commence par se taire.
Il écoute. Vraiment. Il comprend qu’entre les lignes, vos projets de vie sont bien plus importants que le rendement net de 2,3% de votre portefeuille obligataire.
2. La pédagogie
Un bon banquier sait vulgariser sans infantiliser. Il peut expliquer une stratégie de couverture sur devises à votre grand-mère… et celle-ci repartira persuadée qu’elle a tout compris.
Par ailleurs, cette perle rare saura systématiquement distinguer entre les faits, comme les caractéristiques techniques d'un produit, sa notation de risque, son rendement visé, et son opinion personnelle sur cette alternative d'investissement.
3. La discrétion absolue
Cela devrait aller de soi, mais rappelons-le : le banquier privé est privé ! Il est dépositaire d’informations extrêmement personnelles. Sans confiance totale sur la confidentialité, aucune relation durable n’est possible.
4. La disponibilité (mais pas l’envahissement)
Le bon banquier privé ne doit pas répondre à vos mails à 3h du matin (ce serait inquiétant), mais il doit savoir être disponible dans les moments clés, voire être pro-actif. Ni trop, ni trop peu.
5. La créativité
Le bon banquier ne se contente pas d’appliquer des « recettes maison ». Il sait adapter les solutions aux situations uniques. Vos projets sont atypiques ? Il adore ça.
6. L’humilité
Une qualité étonnamment rare dans ce métier. Le bon banquier privé sait reconnaître ses limites et ne vous les cachera pas. Pour y pallier, il sait surtout s’entourer.
La notion de « fit » entre client et banquier
Et c’est ici que l’on touche au cœur du sujet. Parce qu’après tout, les qualités citées ci-dessus pourraient décrire un « excellent professionnel ». Mais cela ne garantit pas qu’il sera « votre » excellent professionnel.
Pourquoi le fit est crucial
La relation avec un banquier privé n’est pas purement technique. Elle touche à l’intime : vos projets de vie, vos craintes, vos héritages familiaux, vos convictions, vos erreurs passées.
Or, si le courant ne passe pas, toute la compétence du monde ne changera pas ce malaise.
Exemples de « match » ou « mismatch »
- Le client hyper dynamique qui veut saisir toutes les opportunités de marché sera malheureux avec un banquier très conservateur qui diabolise la moindre prise de risque. Mais il aura sans doute besoin d’un banquier à la personnalité trempée, pour pouvoir lui résister dans des moments d’exubérance irrationnelle.
- Le client qui aime les contacts humains réguliers aura du mal avec un banquier invisible qui n’appelle que pour parler de reporting trimestriel et qui ne correspond que par mail. À l’inverse, le client qui manque de temps, souhaitera avoir un sparring partner qui lui répondra en quelques lignes, sans nécessairement s’encombrer de longues explications (qu’il doit être capable de fournir à la demande, bien sûr).
- Évaluons aussi l’équation du point du vue du banquier. Si il consacre beaucoup de temps à bâtir une stratégie d’investissement intelligente et adaptée à vos besoins, et qu’il en consacre de nouveau pour identifier les meilleurs placements possibles afin de constituer un portefeuille efficace, il n’aura pas envie de négocier longuement sur les commissions qu’il facturera. Autrement dit, les meilleurs banquiers privés ne travaillent que rarement avec des clients qui négocient systématiquement les frais et qui sont, selon l’adage anglais, “penny wise and pound foolish” (économiser un franc et en prodiguer mille).
C’est un peu comme en amour : la compatibilité compte autant que les qualités objectives de la personne.
Un métier où la confiance est tout
La question centrale derrière « le bon banquier privé existe-t-il ? » est en réalité : puis-je faire confiance à cette personne ? Et cela sur plusieurs plans.
La confiance technique
Je sais qu’il/elle maîtrise son sujet, que mes actifs sont traités avec professionnalisme et qu’il m’indiquera avec transparence, lorsqu’il ne connaît pas la réponse technique à une de mes questions.
La confiance émotionnelle
Je sens que je peux parler librement, sans être jugé et en étant certain que les informations que je partage seront traitées en toute confidentialité.
La confiance dans la durée
Je crois que cette personne sera toujours à mes côtés, non pas seulement parce que son institution le demande, mais parce qu’elle s’engage réellement sur la durée, qui se compte en années, voire en dizaines d’années.
Comment reconnaître son bon banquier privé ?
Un petit guide pratique, façon check-list :
- Avez-vous envie de parler avec lui/elle, ou redoutez-vous ses appels ? Préférez-vous aller chez le dentiste plutôt que dans ses locaux ?
- Comprenez-vous mieux vos choix après chaque rendez-vous ?
- Avez-vous l’impression d’apprendre quelque chose, sans être perdu dans le jargon ?
- Est-ce qu’il/elle vous surprend par des idées nouvelles, mais généralement pertinentes ?
- Vous sentez-vous considéré comme une personne unique, et non pas comme « un portefeuille parmi d’autres » ?
Si la réponse est « oui » à la majorité de ces points, félicitations : vous tenez peut-être votre perle rare.
Les pièges à éviter
Parce qu’il faut aussi être lucide : tout n’est pas rose au pays de la banque privée.
- La surcharge de produits maison : certains banquiers privilégient les solutions internes de leur banque ou de leur société d’assurance au détriment de la personnalisation. Toute chose étant égale par ailleurs, les conseillers qui travaillent pour des plateformes ou des institutions non-exclusives seront structurellement moins biaisés que ceux à qui on donne des objectifs de vente « maison ».
- Le jargon excessif : quand un banquier semble faire exprès de rendre complexe une chose simple, prenez garde.
- La posture de surhomme : celui qui a une réponse à tout, immédiatement… souvent, creusez un peu, et l’expertise s’évapore.
Au-delà de ces signaux d’alerte possibles, vérifiez les agréments de votre interlocuteur. Assurez-vous que votre conseiller est bien un Conseiller en Investissement Financier (CIF) et que son établissement est régulé. Cela ne garantit pas la qualité du conseil reçu, mais cela peut éviter des arnaques, également très nombreuses et malheureusement de plus en plus sophistiquées.
Le futur du banquier privé
À l’ère des technologies, certains prédisent que l’intelligence artificielle va remplacer jusqu’aux banquiers privés.
Mais soyons clairs : un algorithme peut optimiser des allocations, comparer des fonds, prévoir des tendances. Mais il ne remplace pas l’écoute empathique, la lecture fine des émotions et la compréhension des dynamiques familiales.
En revanche, le banquier privé de demain sera probablement augmenté par la technologie : plus rapide dans l’analyse, plus efficace dans le reporting, plus accessible grâce aux outils digitaux et souvent moins chers en termes de frais. En cela, les acteurs plus jeunes de la wealthtech ont sans doute une carte à jouer et un avantage certain à proposer, par rapport à leurs concurrents traditionnels.
Mais son cœur de métier restera… humain.
Alors, un bon banquier privé, ça existe ?
La réponse est oui, sans hésitation. Mais pas de manière absolue. Le bon banquier privé, c’est un mélange unique de compétences techniques, de qualités humaines… et de compatibilité personnelle avec vous.
En somme, il existe autant de « bons banquiers privés » que de clients différents. Trouver le sien, c’est comme trouver un tailleur qui comprend parfaitement votre style : ce costume sur-mesure, personne d’autre ne pourra le porter avec autant d’aisance que vous.
Alors, plutôt que de demander « est-ce qu’un bon banquier privé existe ? », posez-vous la vraie question : « est-ce que j’ai trouvé le mien ? »
Et une fois que la réponse est oui, gardez-le précieusement. Car, croyez-moi, ces espèces rares ne courent pas les rues… Vous en cherchez un ? Vous pourriez faire pire que de contacter les nôtres.
Post-scriptum
Peut-être qu’un jour, le banquier privé idéal sera holographique, préparera votre espresso à distance et vous rappellera que votre fils a un oral de philo la semaine prochaine.
Mais d’ici là, vous pouvez déjà vous consoler avec un banquier humain qui répond au téléphone avec un sourire. Et ça, c’est déjà beaucoup.
