Puts, Calls: on fait le point

Aug 5, 2022

Il faut être un peu fou pour se lancer dans un article sur les produits dérivés. C’est en effet un sujet technique. Mais si Cashbee veut tenir sa promesse de vulgariser toute la finance, il y a bien un moment où il faut s’attaquer à ces produits (dont les fameux puts, calls, swaps et autres futures font partie). Prêts ? C’est parti !

Des “armes financières de destruction massive”

Cette définition des dérivés ne vient pas de nous. C’est l’investisseur légendaire Warren Buffett qui l’a écrite dans son rapport annuel de 2002, en précisant que ces instruments financiers représentaient un danger, à l’époque encore latent, mais qui pouvait s'avérer mortel.

Et il n’a pas complètement tort. Car l’utilisation imprudente des dérivés est bien la cause de nombreux accidents. Celui, fatal, du fonds d’investissement Archegos l’année dernière, qui a fait perdre des dizaines de milliards à plusieurs grandes banques. Celui de la Société Générale en 2008, suite à l’affaire Kerviel, le trader qui a réussi à dissimuler — pendant un temps — les résultats catastrophiques des transactions spéculatives qu’il exécutait. Un peu plus loin dans l’histoire, rappelons-nous aussi de la faillite de la banque Barings, causée par les positions désastreuses prises par un de ses traders stars, Nick Leeson. Le point commun de toutes ces catastrophes : les fameux derivatives.

Une réputation sulfureuse qui mérite d’être nuancée

Ces événements n’ont pas aidé à redorer l’opinion du grand public sur les traders et sur les produits dérivés. Les premiers sont souvent perçus comme des parieurs inconscients et surpayés. Les seconds sont vus comme des outils hyper complexes, fruits d’un système financier de plus en plus opaque et déconnecté du monde réel.

La réalité est plus nuancée que cela. Car s’ils sont bien maniés, les produits dérivés peuvent servir de nombreux objectifs. 

Inspirez à fond, c’est parti pour le paragraphe technique !

Définition des produits dérivés

Comme le terme l’indique, un produit dérivé est un instrument financier dont la valeur est calculée par rapport à celle d’autres actifs. Ces derniers sont appelés « actifs sous-jacents » et peuvent être de natures très variées. Il peut s’agir d’obligations d’État, d’actions, d’indices, de matières premières (comme le pétrole ou le blé), de devises, d’or,... La liste des sous-jacents possibles est très longue. Tout ce qui s’échange sur les marchés peut, a priori, servir de base à un produit dérivé.

Prenons deux exemples pour illustrer cette définition un peu sèche.

  1. Un agriculteur possède une grosse plantation d’orangers. Il sait qu’il va récolter des dizaines de tonnes d’oranges dans quelques mois, et craint une baisse du cours du jus d’orange. Il peut alors vendre sa production future à un prix fixé aujourd’hui, contre la livraison de son jus d’orange à une date précise. Ce contrat, aussi appelé future, est un produit dérivé. Le jus d’orange en est le sous-jacent.
  1. Aujourd’hui, le cours de bourse d’Apple est d’environ 160 Dollars par action. Un investisseur peut donc acheter 10 actions Apple en déboursant 10 x 160 soit 1600 Dollars. Mais il peut aussi acquérir le droit d’acheter 10 actions Apple à un prix fixé à 160 Dollars par action, dans un an. Cela lui coûtera un peu moins de 22 dollars par action, soit 220 Dollars environ. Cette option d’achat, aussi appelé un call, est un produit dérivé, dont le sous-jacent est l’action Apple.

Pourquoi utiliser les produits dérivés?

Soulignons d’emblée que les produits dérivés ne sont pas des instruments financiers traditionnels, comme les actions ou les obligations. Ils ont été conçus pour permettre aux intervenants de marché, comme les investisseurs, mais aussi les chefs d’entreprise ou encore les agriculteurs, d’atteindre plusieurs objectifs distincts.

Premier objectif : se protéger

Dans notre premier exemple, l’agriculteur se prémunit contre une possible baisse du cours du jus d’orange. Il craint que ses marges fondent, il va donc acheter aujourd’hui l’assurance qu’il pourra vendre son jus au bon prix demain. 

De manière plus générale, les produits dérivés permettent de se protéger contre les risques associés à un investissement déjà réalisé. 

Vous craignez un effondrement de la bourse ? Plusieurs stratégies s’offrent à vous. 

  1. Vous vendez votre portefeuille d’actions, mais vous assumez le risque de vous tromper. Si les cours de bourse montent, vous passez à côté d’une belle plus value. Ce n’est pas une perte sèche, mais c’est un manque à gagner. 
  2. Vous achetez le droit de vendre votre portefeuille à une date future, disons dans 6 mois, à son prix actuel. Si le marché a bel et bien baissé 6 mois plus tard, vous exercez votre droit et vous vendrez votre portefeuille au prix déterminé. En revanche, si le marché monte, vous laisserez l’option expirer, sans l’exercer. Vous avez dépensé un peu d’argent pour acheter le put, mais ce coût est largement compensé par la hausse dont vous avez profité. 

Pour simplifier, l’option que vous vous êtes procuré fonctionne comme une assurance. D’ailleurs, l’argent que vous avez dû débourser pour l’acquérir s’appelle bien une prime, comme dans le secteur assurantiel.

Deuxième objectif : spéculer

Les produits dérivés permettent aussi de parier sur des tendances de marché. Et pour une mise de départ donnée, l’usage des produits dérivés permet de multiplier les gains (ou les pertes) beaucoup plus rapidement que si vous aviez investi dans l’actif sous-jacent en direct.

Illustrons ce point en reprenant l’exemple de l’action Apple à 160 dollars. 

Si vous avez 1600 Dollars à investir. Cette somme vous permet :

  1. D’acheter 10 actions tout rond ; ou
  2. De vous procurer 73 options d’achat Apple à 160 dollars, à échéance juillet 2023. Pour un prix de revient unitaire de 22 dollars par option. 

Plaçons-nous maintenant en juillet 2023 et imaginons que le cours de bourse d’Apple soit désormais de 200 Dollars. 

L’acheteur du scénario A a fait une belle affaire. S’il vend ses actions, il réalise un gain par action de : 200$ (prix de vente) - 160$ (prix d’achat) = 40$ par action. Il a dix actions, il empoche donc 400 dollars. 

L’acheteur du scénario B, qui a préféré les options d’achat aux actions “en direct” est encore plus heureux. Il a aujourd’hui le droit d’acheter 73 actions à 160 Dollars l’unité, pour les revendre immédiatement à 200 Dollars pièce. Son opération se traduit par un gain bien plus important : 200$ (prix de vente) - 160$ (prix d’achat) - 22$ (prix de l’achat de l’option) = 18$ par action. La différence est qu’il en a 73 !! Il fait une marge de 1 314$ au total.

Pour le même montant de départ, l’investisseur qui a acheté les options d’achat — les fameux calls — réalise un gain de 82% (1 314 / 1600), contre un gain de seulement 25% (400/1600) pour celui qui a acheté les actions.

Cela s’appelle l’effet de levier. 

Attention, celui-ci joue dans les deux sens !

Si en juillet 2023 le prix de l’action Apple n’a augmenté que de 10 Dollars pour atteindre 170 Dollars par action, l’acheteur d’actions est toujours gagnant. Son profit théorique est de 10$ x 10 actions, soit 100 Dollars. Une perf de 6,25%.

En revanche, dans ce scénario, l’acheteur de calls perd de l’argent. Il exerce son droit d’acheter 73 actions à 160 Dollars, qu’il revend immédiatement à 170 Dollars pour un gain par action de 10 Dollars. Mais il doit déduire de ce bénéfice le coût de l’option de 22 Dollars par action. Au final, il perd (10 - 22) x 73 = - 876 Dollars, soit plus de la moitié de sa mise initiale.

Encore pire, si à la même date le prix de l’action a baissé de 10 Dollars, l’investisseur du scénario A essuiera une perte de 10$ x 10 actions soit 100 Dollars (performance de -6,25%). L 'investisseur du scénario B n’aura quant à lui aucun intérêt à exercer son option d’achat. Il aura donc perdu la totalité de sa mise…

En bref, les produits dérivés permettent de gagner beaucoup, mais aussi de perdre beaucoup, en peu de temps. C’est pourquoi les investisseurs expérimentés ont recours aux produits dérivés pour tirer profit de la performance de l’actif sous-jacent, tout en assumant un risque de perte élevé.

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Les puts et les calls peuvent être nos amis

Nous avons listé en appendice les 4 principaux formats des produits dérivés, pour ceux qui n’ont vraiment plus rien à lire à la plage. Mais pour conclure ce papier, nous souhaitons nous focaliser sur l’un d’entre eux : les options.

Il en existe deux types : les options d’achats (les calls) et les options de vente (les puts). Ils fonctionnent de façon diamétralement opposée.

Le profil de risque des options d’achat (les calls)

Commençons par les calls et distinguons l’acheteur et le vendeur de ces options d’achat.

L’acheteur d’un call connaît sa perte maximale d’avance. En effet, il ne peut que perdre la prime qu’il a versé pour acquérir son option. Mais son gain est théoriquement infini ! 

En effet, à l’échéance, il n’y a que deux scénarios. 

  1. Le cours du sous-jacent est supérieur au prix de référence (aussi appelé strike). Il a alors tout intérêt à exercer son option et acheter le sous-jacent à un prix inférieur au prix du marché actuel. Pour les initiés, son option est dite “dans la monnaie”. Comme, en théorie, le prix du sous-jacent peut monter jusqu’au ciel, son gain potentiel est infini.
  2. Le cours du sous-jacent est inférieur au strike. Il n’a alors aucun intérêt à exercer son call. Pourquoi exercer un droit lui permettant d’acheter un bien à un prix plus élevé que celui qu’il peut trouver au même moment dans le marché ? Son option expire donc sans être exercée. Il a perdu son investissement de départ : la prime versée pour acquérir ses droits. Mais il ne peut pas perdre plus.

Pour le vendeur du call, c’est l’inverse. Il touche sa prime, et connaît donc son gain maximal à l’avance. En revanche, il doit délivrer l’actif sous-jacent si l’acheteur de l’option exerce ses droits à l’échéance. Toujours en utilisant notre exemple précédent, s’il a promis de vendre 10 actions Apple à un cours de 160 Dollars (et s’il n’a pas déjà ces actions en portefeuille), il devra les trouver, coûte que coûte, à l’échéance. Et le cours de bourse d’Apple peut théoriquement monter jusqu’à l’infini à cette date. Donc, en théorie, le vendeur de call fait face à des pertes potentiellement infinies. 

Le profil de risque des options de vente (les puts)

Passons maintenant aux options de vente.

Tout comme pour les calls, l’acheteur de puts connaît sa perte maximale d’avance, car il ne peut perdre que la prime qu’il a versé pour acquérir le droit de vendre le sous-jacent à un prix donné, à une date future. En revanche, son gain potentiel est limité. 

Prenons un exemple chiffré à titre d’illustration. Imaginons qu’un investisseur ait acheté des puts lui permettant de vendre 10 actions Apple à un cours de 160 dollars par action dans 6 mois. Si à l’échéance, le cours d’Apple est supérieur au strike de 160 dollars, alors l’option expire sans être exercée. L’acheteur de puts a perdu sa prime. 

À l’inverse, si l’action Apple s’échange en dessous de 160 dollars, il va exercer son droit et vendre ses 10 actions. Car il a acheté le droit de vendre ses actions à un cours supérieur au cours du marché. Son gain est égal à la différence entre le cours actuel et le strike. On voit bien que ce gain est limité, car le cours de bourse d’Apple ne peut pas tomber en dessous de zéro. Le gain théorique maximal d’un acheteur de puts est égal aux strike (160 Dollars dans notre exemple) multiplié par le nombre d’options achetées (10 dans l’exemple), moins le coût de la prime par option.

De l’autre côté de la transaction, le vendeur des puts connaît son gain maximal. C’est la prime qu’il encaisse. Comme pour l’acheteur de puts, il connaît aussi sa perte maximale. Dans le pire des cas, il devra acheter l’actif sous-jacent au prix déterminé (le strike), alors que cet actif ne vaut plus rien. Dit autrement, sa perte maximale est strictement égale au gain maximal de son acheteur.

Appendice : Les principaux instruments dérivés

Il existe un très grand nombre de produits dérivés (réglementés ou non) sur les marchés financiers. Nous les avons classé en quatre segments distincts :

Contrat à terme de gré à gré (forward)

Il s’agit d’un contrat d’achat-vente à durée limitée, négocié de gré à gré (over-the-counter) sur des marchés non réglementés. L’acheteur s’engage contractuellement à acheter l’actif sous-jacent à un prix déterminé, à une date future, elle aussi fixée à l’avance. Le vendeur s’engage à respecter le contrat, même si la vente future devait entraîner une perte financière pour lui.

Contrat à terme (future

À la différence du forward, qui est négocié de gré-à-gré, le future est utilisé sur les marchés réglementés. Tout comme le forward, il prévoit l’échange d’un montant fixe de l’actif sous-jacent à une date future préalablement fixée, à un prix déjà déterminé.

Exemple : Shell contractualise la vente future de 1000 barils de pétrole (le Brent, c’est son petit nom sur les marchés) à un prix de 100$ par baril à Bank of America, dans 6 mois (et cela quelque soit le prix du pétrole à l’échéance).

Contrat d’échange (swap

Il s’agit d’un échange de flux financiers (en Anglais, to swap signifie échanger). Le contrat de swap prévoit que deux parties échangent des flux de trésorerie pour une durée déterminée, sur la base de la valeur du sous-jacent choisi. Cet instrument est souvent utilisé par les banques, les entreprises et certains organismes publics pour se protéger, notamment  contre le risque de taux.

Exemple : la Société Générale s’engage à verser un taux fixe annuel de 4% sur 1 milliard d’euros à Vivendi, pendant 8 ans. En contrepartie, Vivendi promet de verser un taux variable d’Eonia + 3% sur la même somme, à la Société Générale, sur la même durée.

Options

Dans ce cas, l’acheteur acquiert auprès du vendeur la possibilité d’acheter ou de vendre, dans un délai déterminé, une certaine quantité de l’actif sous-jacent à un prix convenu.

Exemple : Amundi achète des puts à BNPParibas, lui permettant de vendre 1000 actions l’Oréal à la banque dans 3 ans, à un cours de 375 euros par action.

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