Les décideurs se réunissent à Davos

Jan 24, 2023

Pendant qu’en France le sujet de la réforme des retraites occupe le devant de la scène, les grands décideurs du monde se sont réunis, comme tous les ans, dans le coquet village de Davos. L’objectif ? Discuter des grands sujets économiques et géopolitiques du moment. Quoi qu’on pense de l’utilité de cette grand-messe annuelle, il nous paraît intéressant de résumer les tendances qui s’en sont dégagées. 

Davos, c’est quoi déjà ?

Pendant 360 jours par an, Davos n’est qu’un petit village des Alpes suisses où vivent dix mille habitants. Mais pendant une semaine en janvier, c’est le lieu où se réunissent les membres du prestigieux Forum Économique Mondial. 

Le Forum Économique Mondial est une fondation internationale à but non lucratif fondée en 1971 et basée en Suisse. Elle a été créée à l'initiative d’un certain Klaus Schwab, alors professeur d’économie à l’Université de Genève, qui invite 444 PDGs européens pour une première conférence. Son but est aussi simple qu’ambitieux : améliorer l’état du monde. 

Au fil du temps, des chercheurs connus, des dirigeants politiques, les présidents de banques centrales, mais aussi des oligarques, plusieurs milliardaires et des célébrités engagées, comme le Bono du groupe de rock U2, ou l’activiste environnementale Greta Thunberg, se sont joints à l’événement. Pour participer au débat tout d’abord, mais aussi pour faire des affaires et networker, entre gens de bonne (et de riche) compagnie. 

Plusieurs raisons d’être optimistes

Cette année, le consensus était globalement plus positif que ce que nous aurions pu anticiper. Malgré l’absence d’issue constructive en vue pour la guerre en Ukraine, malgré l’affaissement de l’économie chinoise après plusieurs années de confinements stricts, malgré la hausse des prix, notamment dans les secteurs alimentaires et de l’énergie, qui pèse sur le moral et le pouvoir d’achat de la population mondiale… malgré tout ceci, trois tendances permettent de rester optimiste. 

Fin de la politique zéro-Covid en Chine

La première est la décision de la Chine d’arrêter sa politique zéro-Covid, qui permet d’espérer un rebond économique dans le pays le plus peuplé du monde. En effet, après presque 3 années de confinement strict, il est fort possible que les consommateurs chinois se ruent sur les magasins et procèdent à des achats repoussés pendant un temps. Liu He, Vice-Premier, prédit que l’économie chinoise connaîtra une croissance de 5,5% cette année (contre un modeste 3% en 2022). Ce rebond aura sans doute des retombées bénéfiques au-delà des frontières chinoises.

Le prix du gaz est retombé

La seconde évolution notable est la forte baisse du prix du gaz, qui a chuté de plus de 80% par rapport à son prix maximal atteint l’été dernier.

Comme l’Europe importe une partie importante de son gaz et que cette ressource représente une source d’énergie importante pour le Vieux Continent, la chute de son prix soulage l’économie européenne. Or l’Europe constitue également une des trois zones économiques majeures. Pour Jozef Sikela, le ministre de l’industrie de la République Tchèque, cela transforme “l’enfer en paradis”. Avant de préciser “certes le paradis est moins abordable qu’avant [l’invasion de l’Ukraine], mais au moins il est abordable."

L’Inflation Reduction Act adopté aux USA

Et enfin, aux États-Unis, la troisième zone économique majeure, c’est l’adoption de l’Inflation Reduction Act qui change la donne. Ce plan contient de gigantesques subventions pour financer la transition énergétique. Critiqué par certains comme étant une longue liste de mesures protectionnistes bien camouflées, le plan repose néanmoins sur des investissements massifs (dont bénéficieront notamment les entreprises américaines, il est vrai). Qui constitueront sans doute un moteur d’activité économique. 

La récession semble évitable

C’est en tous cas ce qu’espèrent de nombreux participants. Et ce que certains d’entre eux estiment maintenant probable.

Ainsi, Alan Joppe, le PDG d’Unilever, a déclaré préparer son entreprise à une vague de consommation en provenance de la population chinoise. Celle-ci a été forcée d’épargner durant 3 longues années de confinement. 

Quant à Vicki Hollub, la PDG du groupe pétrolier Occidental, elle souligne l’importance des investissements qu’elle envisage de faire dans le domaine de la capture et du stockage du dioxyde de carbone. 

Surfant sur la vague d’optimisme, le chancelier allemand Olaf Scholtz rejoint de nombreux autres dirigeants politiques. Il estime dorénavant que son pays pourrait probablement éviter de tomber en récession. 

Deux bémols significatifs : les taux d’intérêt resteront hauts et l’écologie est moins prioritaire

Les banquiers centraux restent prudents

Si il y avait un groupe de rabat-joie, ce fut celui des présidents de banques centrales. Christine Lagarde au nom de la BCE et Lael Brainard, Vice-présidente de la Réserve Fédérale, ont toutes les deux souligné que l’inflation, bien qu’en baisse, n’était pas vaincue. Pire, l’inflation sous-jacente, corrigée des produits alimentaires et des produits énergétiques, tombe moins vite que l’inflation générale. 

Les banques centrales se voient donc contraintes de poursuivre leur lutte contre l’inflation et - comme l’a indiqué Mme. Lagarde -  “garderont le cap” d’une politique monétaire de taux directeurs élevés le temps qu’il faudra pour ramener l’inflation à son niveau cible d’environ 2%. En clair, les taux d’intérêts vont rester élevés pendant encore plusieurs trimestres. 

L’agenda vert dépriorisé ?

Les opinions exprimées lors de la conférence au sujet de la protection de l’environnement ont divergé. Un ministre singaporéen considère que les investissements à venir dans la transition énergétique stimuleraient la croissance économique à venir.

Mais de nombreux autres intervenants estiment au contraire que dans le contexte actuel, les tensions et pressions sociales conduiront probablement certains leaders politiques à déprioriser la lutte contre le réchauffement climatique, typiquement très coûteuse avec un impact tangible sur des durées longues, au profit de mesures sociales, avec un impact immédiat pour leurs populations.

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