Nos ministres et l'épargne

Nov 30, 2020

La semaine dernière, la Haute Autorité pour la Transparence de la Vie Publique (HATVP) a rendu publiques les déclarations de patrimoine des membres du gouvernement — suite au remaniement ministériel de juillet dernier. L’objectif ? S’assurer (et assurer aux Français) que nos ministres n’ont pas de conflits d’intérêts ou de comptes quelque part sur une île du Pacifique. Nous avons évidemment mis le nez dedans, mais plutôt pour tenter de comprendre leurs pratiques financières.

Pourquoi s’y intéresser ?

Les statistiques nationales montrent que les Français, s’ils épargnent beaucoup en proportion (14,5% du revenu annuel en moyenne), le font néanmoins très mal, c'est-à-dire en laissant leur argent inactif, sur des supports qui ne rapportent pas grand chose. Au total, nous estimons que plus de 1000 milliards d’euros dorment ainsi sur les comptes courants, livrets d’épargne classiques ou livrets A, qui ne rapportent pas plus de 0,5% par an. 

La mauvaise nouvelle, c’est que le problème s’est accentué avec la crise du Covid. Pendant le 1er confinement par exemple, nous avons collectivement mis 60 milliards d’euros de plus de côté, qui se sont retrouvés sur ces mêmes comptes à faible rendement. 

Mais ces chiffres, au delà du fait qu’ils sont trop gigantesques pour avoir du sens, ont l’inconvénient d’être nationaux. Ce sont des moyennes. Et les moyennes ne racontent pas grand chose à l’échelle de 60 millions d’habitants. C’est la raison pour laquelle les comptes de nos élus sont une source d’information précieuse. C’est le reflet des pratiques d’un groupe socio-démographique beaucoup plus restreint et à priori très éduqué.

2902 de nos dirigeants politiques, allant du Président de la République, aux députés et sénateurs, en passant par les ministres, sont obligés de déclarer leurs patrimoines à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique… qui les publie tous sur son site ! L'occasion pour nous d’analyser la constitution de leur épargne. Les conclusions sont édifiantes, et parfois, assez drôles (enfin, en tout cas pour nous).

Les ministres sont généralement assez mauvais

Ils adorent la pierre, à raison !

Chacun des ministres déclare être propriétaire d’au moins un bien immobilier. Il s’agit surtout de leurs résidences principales pour la moitié d’entre eux. Cependant, 5 ministres ont par ailleurs investi dans d’autres biens immobiliers, à commencer par le Premier Ministre, Jean Castex, propriétaire de plusieurs terrains, suivi de près par le Garde des Sceaux, Eric Dupond-Moretti, propriétaire de terres agricoles, tout comme Jacqueline Gourault, Ministre de la Cohésion des Territoires.

Sur notre échelle, Florence Parly, Ministre des Armées et Élisabeth Borne, Ministre du Travail, méritent des points bonus dans le domaine, car elles ont structuré leurs investissements dans la pierre de façon fiscalement attractive. La première a acquis sa résidence principale via une SCI et la seconde a acheté un bien en VEFA (Vente en État Futur d’Achèvement), afin de bénéficier de la loi Pinel.

Les prêts immobiliers, pas si bête que ça.

Quinze ministres sur dix-sept n’ont pas fini de rembourser les emprunts immobiliers contractés pour financer l’achat de leurs résidences. Seuls Roselyne Bachelot, Ministre de la Culture et Bruno Le Maire vivent sans aucune dette. 

Dans notre système de notation, cela ne leur donne pas de points bonus, car dans le contexte actuel de taux très bas, emprunter n’est pas une mauvaise idée du tout. Du reste, rares sont ceux qui peuvent se payer un appartement cash. 

Très peu d’épargne longue, très peu de risque.

C’est au sujet des placements à long terme que les choses se gâtent. Six ministres, soit un peu plus du tiers du gouvernement, ne possèdent ni Plan d’Épargne en Actions, ni contrat d’assurance vie. Ce qui veut dire que leurs patrimoines sont exclusivement composés de biens immobiliers (qui ne leur apportent rien, s’il s’agit de leur résidence principale) et d’argent déposé sur différents types de comptes bancaires (qui ne rapportent rien ou quasiment rien). 

Nous pourrions y ajouter Roselyne Bachelot, qui possède bien un PEA, mais sur lequel elle a investi….. 16 euros. D’ailleurs madame Bachelot, si vous nous lisez, il est probable que ce PEA vous coûte plus qu’il ne vous rapporte (à cause des frais de tenue). 

Seule la moitié de nos ministres a souscrit à un contrat d’assurance vie, dont Sébastien Lecornu, Ministre des Outre-Mer, à qui nous conseillons respectueusement de mettre un peu plus de 241 euros dessus, s’il souhaite un jour générer des plus values significatives.

Beaucoup, beaucoup d’argent qui dort.

Accrochez-vous, ça devient embarrassant. 

Dix ministres avaient, au moment de leurs déclarations, plus de 20 000 euros sur leurs comptes courants. Le garde des sceaux Eric Dupond-Moretti est loin devant avec un solde positif de plus de 130 000 euros sur son compte joint ! Seule Élisabeth Borne pourrait avancer l’argument que son Livret A est plein à craquer. Mais elle aurait au moins pu penser à son compte épargne qui rapporte 0,1%, ou mieux : s'inscrire sur Cashbee (2% pendant 2 mois, puis 0,6%, gratuitement et en moins de 6 minutes).

Pour les autres, on pourrait au moins espérer qu’ils mettent leur cash dormant sur un livret A. Quand on voit Olivier Véran, Ministre des Solidarités et de la Santé, dont le compte courant est à plus de 37000 euros, mais dont le livret A est créditeur de… 63 euros, on est à ça d’aller aussi en réanimation.

Notons aussi quelques grosses surprises sur les comptes d’épargne “classiques”. Leurs rendements très faibles (moins de 0,1%) n’ont visiblement pas dissuadé notre ministre de la culture d’y déposer près d’un million d’euros ! Notre ministre des armées, Florence Parly y dispose aussi de pas loin de 300 000 euros, alors qu’elle a pourtant plusieurs supports comme un contrat d’assurance vie ou encore un PEA qui seraient susceptibles de lui rapporter beaucoup plus (sur des durées longues).


Bref, les ministres adorent les comptes d’épargne, très peu rémunérés, mais ne maximisent pas, quand il le peuvent, “l’opportunité” offerte par le Livret A pour gagner 0,50% en intérêts nets, annuellement, dans la limite de 22 950 euros (à l’exception de Jean Castex, Bruno Le Maire et Élisabeth Borne).

Les notes des joueurs... euh des ministres

Passons aux notes individuelles de l’équipe Castex, dont la moyenne n’est que de 3/10, selon notre échelle de notation. 

La star : Jacqueline Gourault (8/10)

En termes d’épargne, le meilleur buteur est sans nulle doute Jacqueline Gourault. Nous la saluons pour la diversité de ses placements. Entre immobilier, terres agricoles, PEA, assurance vie et comptes titres, elle dispose d’un grand nombre de supports pour faire fructifier son épargne longue. Tout en disposant d’une épargne de précaution qui travaille pour elle sur son Livret A et son LDD.

Le podium : Florence Parly et Elisabeth Borne (7/10)

Bravo Mesdames les Ministres. Vos patrimoines sont admirablement diversifiés, avec un bon mélange d’investissements plus ou moins risqués (PEA, Assurance vie), une dose d’optimisation fiscale, de l’immobilier résidentiel, financé par un endettement maîtrisé, et une épargne de précaution significative. C’est d’ailleurs notre seul reproche : ne devriez-vous pas mettre un peu plus de côté sur des supports à long terme ? 

Le milieu de tableau : Jean Castex (6/10), Eric Dupond-Moretti (4/10), Bruno Le Maire (4/10)

Ces ministres ne s’en sortent pas trop mal. Mais un manque de diversification évident, et une bien trop grande prudence dans leurs placements, mènent à une épargne liquide surabondante, qui ne rapporte rien ou presque.

Eric Dupond-Moretti aurait pu finir plus haut dans notre classement, s’il n’avait pas déclaré un compte à solde négatif, alors qu’il a largement de quoi renflouer ce découvert, dont on ne doute pas que sa banque lui fait parvenir une facture inutilement salée.

Le bas du tableau : Gérald Darmanin (2/10), Amélie de Montchalin (1/10) et Roselyne Bachelot (0/10)

Le cas de Gérald Darmanin est surprenant. Malgré son salaire et les nombreux avantages en nature que lui garantissent son statut de ministre de l’intérieur, il n’a presque aucune épargne. 1500 euros sur une assurance vie, pas de livret, 8 500 euros sur son compte courant, et un emprunt immobilier en cours de 668 000 euros.

Amélie de Montchalin a un problème finalement très simple : elle n’a aucun produit d’épargne. Il faudra donc juste penser à s’y mettre. Mais son cas n’est pas perdu.

Roselyne Bachelot est en revanche dans une situation plus grave. Elle sait mettre de côté. Les sommes importantes qui dorment sur son compte courant (25 000 euros) et sur son compte d’épargne (925 595 euros) en sont la preuve. Elle n’a par ailleurs aucune dette. Mais il s’agit maintenant de mettre au travail cet argent qui dort ! Son collègue Bruno Le Maire le lui dira : il serait bon (pour elle comme pour l’économie française) qu’elle déploie une partie de son épargne dans le financement de l’économie réelle, soit via une assurance vie, soit via un PEA. Quoi qu’il en soit, avoir un quasi-million d’euros en sommeil sur un compte qui rapporte 0,1%, c’est éliminatoire.

Les explications possibles

Nous cacherait-ils une partie de leurs fortunes ?

Avouez que c’est le premier réflexe que nous pourrions avoir. Mais nous n’y croyons pas trop. Depuis l’affaire Cahuzac, le moindre député sait que ses comptes personnels vont être épluchés, et que le moindre écart ou oubli se traduirait par, au mieux, une démission immédiate, ou pire une condamnation lourde.

Ils veulent éviter les soupçons de conflit d’intérêt

Il est possible que certains Ministres aient choisi de simplifier leurs patrimoines exprès, pour éviter tout risque de conflit d’intérêt. Cela expliquerait en partie pourquoi certains sont restés à l’écart de certains types d’investissements qu’ils auraient pu ou voulu faire, par souci de transparence. 

Bien sûr nous comprenons cet argument, notamment pour des ministres très exposés, comme le Ministre des Finances. Mais jusqu’à un certain point. Personne ne pourrait en effet vous accuser d’un quelconque conflit si vous placiez votre épargne (via une assurance vie ou encore un PEA) dans des fonds diversifiés. Encore moins si ladite épargne était gérée par des experts indépendants (ce qu’on appelle la gestion pilotée en assurance vie).

Et s’ils étaient tout simplement comme nous ?

Ils manquent de temps. Comme nous. Certains d’entre eux ont de l'appétence pour la finance, d’autres détestent ça. Comme nous. Ils savent probablement que mettre de côté est important, mais ils n’ont pas forcément reçu de conseils pour le faire bien. Comme nous. Ils ont aussi probablement appris à ne pas trop parler argent et à se méfier du risque. Comme nous. 

Bref, le manque d’expertise et de confiance face à l’épargne affecte toute la population, y compris les élites. Avec 17 ministres, l’échantillon est trop petit pour y accorder une valeur statistique probante, mais il est indéniable que la majorité d’entre eux pourrait faire beaucoup mieux. S’ils nous lisent, Cashbee est là pour les aider et nous sommes joignable à hello@cashbee.fr — en toute confidentialité, cela va de soit.


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Bonus : quelques fun facts

  • (Presque) pas de comptes à l’étranger ! Sans surprises, après l’affaire Cahuzac, il n’y a plus qu’un ministre qui déclare avoir un compte hors de France.
  • Les grandes banques raflent le marché “du ministre” : 7 sont à la BNP,  3 à la Société Générale / Crédit du Nord, 3 au Crédit Agricole, 2 aux Caisses d’épargne, 1 à La Banque Postale. Cela fait 16, car un ministre n’a pas déclaré sa banque.
  • Seuls deux ministres ont déclaré avoir du “mobilier divers” d’une valeur supérieure à 10 000€ : Bruno Le Maire, dont on connaît l’amour pour l’art et le mobilier ancien. Et Eric Dupond-Moretti, qui aime se balader en Bentley, avec sa Rolex Daytona (ou sa superbe F.P. Journe) au poignet. 

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