La chute brutale d’un des FAANGs
L’action de Netflix, la plateforme de streaming vidéo mondialement connue, s’est écroulée la semaine dernière. Le titre a perdu presque 40% de sa valeur en une journée, suite à l’annonce de résultats trimestriels aussi désastreux qu’inattendus.
Bien que des corrections violentes puissent se manifester de temps en temps sur les marchés actions, celle-ci est remarquable par son ampleur, et parce qu’elle concerne une société phare de la tech. Pour rappel, Netflix fait partie des FAANGs, l’acronyme qui regroupe les mastodontes américains Facebook, Apple, Amazon, Netflix et Google, dont la popularité, non seulement parmi les consommateurs, mais aussi parmi les investisseurs, les place dans de très nombreux portefeuilles.
Aujourd’hui, ces portefeuilles accusent le coup.
Une boulette à 60 milliards de Dollars
La mauvaise surprise : le nombre d’abonnés décline !
Ce sont les résultats trimestriels de Netflix qui ont mis le feu aux poudres. Après une décennie d’augmentation continue du nombre de ses abonnés, Netflix annonce que ce chiffre baisse de 200 000 au 1er trimestre de 2022. Ceci, alors que les analystes financiers s’attendaient à 2,5 millions de souscripteurs… de plus ! Pour mettre de l’huile sur le feu, la société annonce qu’elle anticipe d’en perdre 2 millions de plus au courant du trimestre en cours.
Vous me direz, la légère baisse du nombre d’abonnés se voit à peine sur le graphique produit par Statista. Netflix compte plus de 219 millions d’abonnés, pourquoi tant de remous ?
La punition d’une “valeur de croissance” dont la croissance n’est plus
Il est vrai que proportionnellement à la réduction somme toute modeste du nombre d’abonnés, la réaction des marchés est très brutale.
Mais elle est en réalité naturelle. Netflix est identifié sur les marchés comme une valeur de croissance (ou Growth Stock en anglais). Comme c’est le cas pour de nombreuses autres entreprises de la tech, les investisseurs apprécient les valeurs de ce type pour les perspectives de forte croissance qu’elles offrent.
Et Netflix a très longtemps délivré sur cette promesse, en multipliant année après année le nombre de ses souscripteurs, ce qui faisait mécaniquement croître ses revenus et ses profits. Tant que cette croissance est au rendez-vous, trimestre après trimestre, le soutien des investisseurs peut propulser le prix des actions de croissance à des niveaux très élevés. Car ils achètent la perspective de bénéfices futurs, toujours plus élevés.
Mais il suffit qu’un grain de sable enraye la machine, pour que l’image de l’entreprise change, et que l’attrait de l’action souffre.
Une destruction de valeur massive
Dans le cas présent, la vente de titres à conduit à une baisse de la valeur de Netflix en bourse (aussi appelée capitalisation boursière) de presque 60 milliards de Dollars en une journée.
Depuis le début de l’année, la capitalisation boursière de Netflix a perdu presque 170 milliards de Dollars, soit 63% de sa valeur. Une véritable saignée.
Pourquoi le nombre d’abonnés baisse ?
Il existe sans doute plusieurs explications. Tout d’abord, la compétition s’est réveillée. Netflix a indubitablement lancé l’industrie du streaming. Et cela lui a permis de prendre des parts de marché importantes. Mais Amazon, Disney, et Apple n’ont pas tardé à se lancer dans la bataille, avec des moyens, et des avantages concurrentiels importants.
Résultat : Netflix reste le leader sur son marché, mais en réponse à l’augmentation de ses tarifs, certains de ses clients américains se procurent leurs séries et films favoris ailleurs.
Par ailleurs, les compétiteurs se disputent un nombre de clients potentiels qui n’est pas illimité. Notamment aux États-Unis et en Europe, le nombre de souscripteurs au streaming qui ne sont pas déjà clients d’un ou de plusieurs services diminue rapidement. Certes, l’Asie reste un terrain de croissance fertile. Netflix y a d’ailleurs gagné plus d’un million d’abonnés au premier trimestre. Mais en se retirant de la Russie, elle en a perdu 700 000 d’un coup.
La pression sur le pouvoir d’achat
Notons qu’au-delà de la concurrence intense, les effets de l’inflation se font également sentir. Avec des budgets sous pression, de nombreux ménages réduisent leurs dépenses en se désabonnant des “petits plaisirs”, dont les services de streaming.
Remonter la pente… en tant que société de valeur ?
Des initiatives pour regagner du terrain
Le PDG légendaire Reed Hastings veut retourner la situation et a plusieurs initiatives en tête pour y parvenir.
Il souhaite s’attaquer au partage des mots de passe, qui font que des dizaines de millions de foyers regardent Netflix… sans payer. Les forcer à payer pour le contenu semble tomber sous le bon sens, mais le dirigeant reconnaît lui-même que dans la course à la croissance, ce type de mesure avait été mis en attente.
Par ailleurs, Netflix va réduire ses dépenses. Le budget dédié à la production de contenu sera plus mesuré.
Enfin, la société va probablement étoffer sa gamme de produits en proposant un abonnement moins cher, susceptible d’attirer une clientèle moins fortunée. En contrepartie d’une facture moins élevée, ces clients devront accepter de regarder de la publicité.
La douloureuse transformation de société de croissance en société de valeur ?
La maîtrise des coûts, la capture de revenus auprès de consommateurs aujourd’hui non-payants, et une offre dédiée aux budgets plus modestes sont toutes des mesures très sensées. L’obsession de la croissance a rendu Netflix aveugle à ces problématiques jusqu’ici.
Ces tactiques font d’ailleurs toutes parties de l’arsenal que déploient les sociétés plus établies, dans des milieux concurrentiels, comme la grande distribution, ou les biens de consommation. Les champions dans ces segments, comme Coca Cola, McDonald's ou encore Procter & Gamble sont des exemples d’entreprises dont les actions sont classées dans la catégorie des actions de valeur (ou Value Stocks en anglais).
Elles sont appréciées non pas pour l’augmentation fulgurante de leurs parts de marché et du nombre de leurs clients, mais plus pour la régularité de leurs profits et la constance de leurs marges.
Le temps est-il venu pour Netflix de faire la transition, potentiellement douloureuse, de société de croissance à société de valeur ? L’avenir nous le dira.
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