Les divi... quoi ?
Les dividendes, ce ne sont ni plus ni moins que les bénéfices qu’une société décide de redistribuer à ses actionnaires.
Prenons l’exemple de Total. Elle a annoncé vouloir verser 2,64 euros par action pour l’année 2020. Si vous possédez 100 actions, alors vous allez recevoir 264 euros de dividendes. Total distribue ainsi un peu plus de la moitié de ses bénéfices*.
Pourquoi les sociétés ne distribuent-elles pas la totalité de leurs gains ?
Il est très rare que les dirigeants d’une entreprise décident de verser la totalité des bénéfices aux actionnaires. Car il ne leur resterait plus rien pour investir, construire de nouvelles usines, agrandir les équipes et développer de nouveaux produits. Il est d’ailleurs fréquent que les sociétés à forte croissance décident de ne pas verser de dividendes (ou très peu) pour privilégier leurs investissements.
Steve Jobs par exemple, le fondateur d’Apple, était contre la distribution de dividendes. À son époque, la firme de Cupertino n’a jamais versé le moindre centime à ses actionnaires, pour réinvestir la totalité des profits dans la recherche et le développement technologique. Mais les profits ont crû tellement vite qu’en 2012, lorsque Tim Cook a pris les rênes, la société avait amassé une trésorerie de plus de 100 milliards de dollars de cash.
Tout aussi parlant, le géant Amazon n’a jamais non plus versé de dividendes, décidant année après année de réinvestir ses profits pour accélérer sa croissance. Ce qui n’empêche pas ses actionnaires d’être très satisfaits, puisque le prix de l’action a augmenté de 34% par an en moyenne depuis dix ans.
Certains investisseurs attirés par les dividendes réguliers
Les investisseurs adorent les actions dont les prix s'envolent, mais ils ne réalisent leurs plus values que lorsqu'ils les vendent. C’est la raison pour laquelle de nombreux épargnants apprécient aussi des revenus réguliers, en provenance de grandes entreprises établies, stables et historiquement profitables. Placer une partie de son épargne dans des sociétés de ce type pour s’assurer un complément de revenu salaire ou sa retraite, est une pratique relativement courante. Encore faut-il identifier ces payeurs de dividendes réguliers.
Quelques exemples de distributeurs réguliers
Coca Cola verse un dividende trimestriel depuis 1920. Son dividende est non seulement régulier, mais Coca Cola en a augmenté le montant tous les ans depuis 57 ans.
En France, le fabricant de luxe Hermès fait partie des entreprises qui déboursent une partie de leurs gains avec constance. Ainsi, Hermès verse des dividendes deux fois par an, depuis plusieurs décennies. Son montant annuel était de 31 centimes en 2000, pour atteindre 4,55 euros en 2019 !
Attention, une hausse aussi constante des versements est rare dans la durée. Tellement rare que les investisseurs ont donné un nom aux sociétés ayant tenu cette promesse sur une période d’au moins 25 ans aux US, et de 10 ans ou plus en Europe. Il s’agit des « Aristocrates du dividende ».
Qui sont les aristocrates
En Europe, fin 2019, il n’en existait que 40.
Ashtead (15 ans)
Associated British Foods (19)
BAE Systems (15)
British American Tobacco (21)
Bunzl (26)
Burberry Group (10)
Coloplast (23)
Compass Group (18)
Croda (18)
Enagas (17)
EssilorLuxottica (26)
Flutter Entertainment (19)
Fresenius (26)
Fresenius Medical Care (22)
Groupe Bruxelles Lambert (16)
Halma (40)
Hermes (13)
Imperial Brands (22)
Intertek (16)
Johnson Matthey (32)
Kerry Group (33)
Lindt & Sprungli (16)
L’Oréal (36)
M&G (15)
Micro Focus (13)
Nestle (24)
Novartis (22)
Novo Nordisk (14)
Novozymes (19)
Prudential (15)
Red Electrica (21)
Roche (17)
Sage (23)
Sanofi (25)
Siemens
SSE (27)
Unilever (20)
Whitbread (15)
Wolters Kluwer (29)
Source : Kiplinger, entre parenthèses, le nombre d’années de dividendes stables ou en hausse
L’industrie pharmaceutique (Novartis, Sanofi, Roche,..) et les géants de l’alimentaire (Associated British Foods, Diageo, Lindt & Sprungli, Nestlé, Unilever) y occupent une place de choix. Cela s’explique sans doute par le fait qu’ils opèrent dans des segments de l’économie qui résistent aux cycles économiques : crise ou pas, nous continuons nos achats de première nécessité et de médicaments.
Sans reproduire la liste intégrale des aristocrates américaines, ce même phénomène s’observe outre-Atlantique : Coca Cola, McDonald’s, Pepsico, 3M (vous savez, la firme des Post-It), Walmart, Procter & Gamble, Colgate-Palmolive et Johnson & Johnson en font toutes partie.
Faut-il miser sur les aristocrates sans réfléchir ?
Le passé ne garantit pas le futur
Ce n’est pas parce qu’une société a pris l’habitude de verser des dividendes croissants année après année, qu’elle continuera de le faire indéfiniment. Elle pourrait le vouloir, mais cela dépend de sa capacité à générer des bénéfices toujours plus importants. Tous les ans, plusieurs aristocrates sortent du classement et perdent leur statut.
Il faut aussi pouvoir payer des dividendes. Prenons le cas de certaines grandes banques, dont la croissance est modeste, mais qui sont appréciées pour leurs dividendes très réguliers et stables. Au début de l’année dernière, la Banque de France leur a demandé de suspendre les dividendes pour l’année, pour préserver du capital et faire face à une éventuelle vague de faillites d’entreprises (corona-crise…). Les banques ont évidemment suivi sa recommandation, supprimant du jour au lendemain les rentrées d’argent régulières auxquelles s’attendaient de nombreux actionnaires.
Le statut d’aristocrate est dans les prix
Les aristocrates sont connus des opérateurs de marché et suivis par les analystes financiers. Adulés par certains épargnants, leur statut de “payeurs de dividendes” n’est un secret pour personne, et se reflète donc dans leurs cours de bourse.
Reprenons l’exemple d’Hermès. Comme les investisseurs savent que les dirigeants de la société attachent une grande importance à la distribution des dividendes, le cours de bourse de l’action Hermès a suivi le mouvement de hausse de ses versements réguliers. En conséquence, le rendement du dividende (soit le dividende divisé par le cours de l’action), est resté constant, et en dessous de 1% depuis de nombreuses années. Un investisseur prospectif doit donc analyser le potentiel d’Hermès de continuer à faire croître ses dividendes dans le futur.
Actions de croissance ou actions à dividendes, que choisir ?
Il existe énormément de stratégies différentes lorsqu’on souhaite placer son épargne en bourse.
Certaines consistent à identifier les sociétés les plus innovantes et à espérer qu’elles décollent. Quitte à ne pas recevoir de dividendes pendant de longues années. Les fameux GAFAM (Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft) sont des exemples d’entreprises “à croissance”, même si certaines d’entre elles sont aujourd’hui tellement matures et profitables qu’elles distribuent aussi une partie de leurs bénéfices annuels.
D’autres visent les sociétés très établies, profitables depuis longtemps, et soucieuses de satisfaire leurs actionnaires. Ces aristocrates du dividende opèrent souvent dans des industries défensives, leur permettant de mieux résister en temps de crise. Leurs actionnaires visent sans doute une appréciation de la valorisation de leurs investissements. Mais ils attachent au moins autant d’importance à la régularité des dividendes qu’ils reçoivent au fil du temps.
Il est impossible de trancher de façon définitive entre les deux stratégies. Leur pertinence dépend du contexte économique, des objectifs et besoins financiers de chaque investisseur et de leur appétence au risque.
Mais deux choses sont sûres :
- Une société ayant connu une très forte croissance pendant des années n’est pas certaine de pouvoir continuer à grandir pour l’éternité (vous vous souvenez de Blackberry ou de Nokia ?), et
- Une société obtenant le statut d’aristocrate du dividende, n’est pas certaine de pouvoir préserver le titre pour toujours.
Dit autrement, quelle que soit votre stratégie préférée, une analyse précise avant de passer à l’achat reste indispensable.
* Précisons que dans la grande majorité des cas, ces dividendes sont versés en numéraire, c’est-à-dire par virement d’une somme d’argent. Mais il arrive parfois que les entreprises choisissent de verser des dividendes sous forme de nouvelles actions, qui s'ajouteront à ceux que vous avez déjà.
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