Assurance et décarbonation: quels sont les liens

Jul 8, 2021

On l’oublie parfois, mais parmi les victimes du réchauffement climatique figurent aussi les compagnies d’assurances. Normal : quand une catastrophe naturelle se produit, ce sont elles qui payent.

Tempêtes de grêle et inondations répétées en France, vagues de chaleurs meurtrières au Canada, glissements de terrain destructeurs au Japon, sécheresse ininterrompue en Californie ou en Australie… les dégâts de la crise climatique sont de plus en plus nombreux, et de plus en plus importants.

Les sociétés d’assurances ont donc tout intérêt à user de leur statut pour promouvoir des pratiques responsables. Mais certains activistes estiment qu’elles n’en font pas encore assez. Explications.

Les assureurs disposent de deux armes pour lutter contre le réchauffement climatique

Des investissements responsables

En assurance, le modèle économique est, en théorie, très simple. La société d’assurance collecte des primes de la part de ses clients, qu’elle investit afin de générer des revenus. Pour être rentable, il faut que les primes collectées, ajoutées au rendement généré sur les investissements, soient supérieures aux indemnités que l’assureur doit verser aux sinistrés.


Puisque les assureurs ont aussi un rôle d’investisseur, on comprend bien qu'ils peuvent fortement diriger leurs placements vers les entreprises les plus vertueuses.

Thomas Buberl, le PDG d’AXA, l’explique clairement dans sa tribune publiée le 11 juin dernier : “En tant qu’investisseur financier, le secteur de l’assurance doit s’orienter vers une économie plus durable”. Son groupe a d’ailleurs rejoint la “Glasgow Financial Alliance for Net Zero”. Ce rassemblement de plus de 160 institutions financières pèse quelque 70 000 milliards de dollars d’investissements, et ses membres s’engagent à accélérer vers la neutralité carbone, à atteindre en 2050 au plus tard.

Une politique de souscription beaucoup plus sélective

Mais, toujours de l’aveu du PDG d’AXA, les compagnies d’assurance ont une seconde corde à leur arc : “en tant qu’assureurs, nous savons qu’il reste beaucoup de chemin à parcourir, par exemple en intégrant l’objectif de neutralité carbone dans les activités de souscription d’assurances de base.” Quesaquo?

En français courant, les assureurs peuvent choisir les clients qu’ils assurent… ou pas. Et certains, comme AXA par exemple, ont choisi de ne plus assurer certaines entreprises, dont les activités sont jugées trop polluantes. Le groupe français, parmi les leaders en la matière, a par exemple programmé son retrait total de l’industrie charbonnière.

Or, l’assurance est une obligation légale pour toute entreprise qui veut faire des affaires. Si de moins en moins d’assureurs acceptent de vous couvrir, le coût de votre assurance augmentera naturellement, et impactera négativement votre bilan. Si la capacité d’assurance disparaît totalement, l’activité devra cesser, ou, a minima, changer radicalement de nature. Pas d’assurance, pas de chocolat.

Mais c’est une décision complexe pour les assureurs, qui se retrouvent face au fameux dilemme du prisonnier. En choisissant de ne plus assurer certaines entreprises ou certains secteurs pour le bien de la planète, les compagnies d’assurances “engagées” laissent des parts de marché profitables à leurs concurrents moins regardants. Il y a, pour l'instant, toujours quelqu’un pour faire le sale boulot.

De la théorie à la pratique : l’oléoduc de Trans Mountain

La société canadienne Trans Mountain transporte via oléoduc du pétrole extrait des sables bitumineux de l'État d’Alberta vers la Colombie Britannique sur la côte ouest. Une activité naturellement ciblée par de nombreux activistes écologiques, qui, au-delà de s’attaquer à la société elle-même, en veulent aussi à ses assureurs.

Leur technique est simple. En se plongeant dans les rapports annuels de la société, ils ont pu identifier les compagnies d’assurance fournissant leurs couvertures à Trans Mountain. Une fois identifiés, les activistes montent des actions coup de poing devant les bureaux des assureurs, attirant ainsi le regard du public et de la presse sur le soutien qu’ils donnent à des activités polluantes.

Et ça marche ! À date, 14 assureurs ont déclaré explicitement ne plus vouloir couvrir Trans Mountain, selon les militants. Et la société a formellement demandé et obtenu l’autorisation de son régulateur de ne plus devoir rendre public les noms des compagnies d’assurance avec lesquelles elle fait affaires ! Car de son propre aveu, pour s’assurer en 2020, l’entreprise a dû payer une prime “en hausse significative” par rapport aux années précédentes.

Trans Mountain paie le prix d’une réduction notable de la profondeur de l’offre assurantielle à laquelle elle a accès. Mais elle peut encore opérer. Au moins jusqu’au mois d’août, où il s’agira de renouveler sa police d’assurance annuelle…

Dans d’autres cas, la victoire des militants écologiques est plus tangible encore. Ainsi, la société minière Adani Enterprises n’a pas pu obtenir de couverture assurantielle pour développer la mine de charbon Carmichael. Les 33 sociétés d’assurance contactées n’ont pas voulu prendre le risque d’associer leur signature au projet.

La souscription progressivement plus verte, forcément

Après des choix d’investissements plus responsables, les grandes sociétés d’assurance ajustent donc progressivement leurs politiques de souscription, toujours dans le but de contribuer à l'accélération de la transition énergétique. Ainsi, Generali a récemment annulé les polices d’assurance de deux entreprises du secteur de l’énergie, qui, selon l’assureur, ne faisaient pas assez d’efforts sur le plan du risque climatique.

Cyniquement, parce que les sociétés d'assurance craignent d'être publiquement associées à des activités polluantes. Mais pas que.

Une vision à long terme

Pour un nombre grandissant d’assureurs, la prise en compte du risque climatique dans leurs politiques de souscription est une question de survie et de profitabilité à long terme. Thomas Buberl reconnaît que “le changement climatique va non seulement provoquer des événements météorologiques plus coûteux — inondations, incendies, vagues de chaleur,... — mais également accélérer la survenue d’autres risques émergents.”

En prévision d’une hausse de la fréquence (et de la gravité) de catastrophes naturelles, il est donc stratégiquement logique pour l’industrie de l’assurance dans son ensemble d’augmenter les primes d’assurance pour désamorcer les activités à forte intensité carbone. Le but ultime des assureurs étant d’inciter les entreprises qu’elles assurent à faire évoluer leurs modèles d’affaires dans le but de minimiser (voire d'éliminer) leurs empreintes carbone.

Les sociétés d'assurance sont peut-être moins visibles que les grandes banques dans le débat autour du réchauffement climatique, mais leur impact potentiel au moins aussi important. Et la prise de conscience de certaines d'entre elles, du rôle qu'elles ont à jouer mérite d'être soulignée.



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