La Russie exige des Roubles pour acheter du gaz

Apr 5, 2022

Un écart de plus au droit international

La décision — évidemment unilatérale — va à l’encontre du droit international. Les contrats entre Gazprom, la société russe en charge des exportations de gaz, et ses clients internationaux sont renouvelés tous les 3 ans. Il n’y est pas question d’une flexibilité de choix sur la devise que le fournisseur pourrait exiger.

Toujours est-il que le décret donne une dizaine de jours aux clients de Gazprom pour modifier leurs modalités de paiement, et verser les sommes dues en roubles.

Ou bien ? Ou bien la Russie fermera tout simplement le robinet. Une terrible menace quand on sait qu’elle représente 30% des importations de gaz de certains pays européens, et qu’une vague de froid s’abat en ce moment même sur ces derniers.

La question à 1 milliard : pourquoi ?

Pour soutenir la devise russe ?

On pourrait s’imaginer qu’il s’agit d’une tactique pour soutenir le rouble, dont le cours est sous pression depuis le déclenchement des hostilités. Après tout, en forçant les pays importateurs de gaz à payer en roubles, la Russie les oblige à d’abord en acheter (ce qui ferait théoriquement remonter le cours).

Mais dans la pratique, cela ne change pas véritablement la donne. Aujourd’hui, les livraisons de gaz par la Russie sont effectivement réglées en euros. Moscou reçoit donc des devises étrangères, qu’elle convertit très largement en roubles. Et dans cette opération de change, elle vend les euros qu’elle reçoit des Européens, et elle achète des roubles, ce qui soutient automatiquement sa devise. Exiger que les paiements soient effectués en roubles ne fait que déplacer l’opération de change de la banque centrale russe à l’acheteur.

Ou pour narguer les pays de l’Ouest

Il faut surtout voir cette décision du Kremlin comme une riposte géopolitique. Les pays occidentaux ont imposé des sanctions économiques sévères à la Russie. Ils ont notamment bloqué une partie des réserves internationales de la banque centrale russe. Par ailleurs, le système bancaire russe à été coupé de la messagerie SWIFT.

Pour régler en roubles, l’Europe serait obligée de contourner son propre embargo, et faire affaires avec la Gazprombank, en lui faisant des virements significatifs. Ce que les pays européens refusent de faire (pour l’instant).

La dominance du Dollar et de l’Euro remise en cause ?

Le Dollar, devise par défaut

Aujourd’hui, la très grande majorité des échanges commerciaux entre pays se règle en Dollars américains, ou en Euros. Ainsi, le prix du baril de pétrole, de l’once d’or et du transport maritime sont tous affichés en Dollars. L’euro joue un rôle similaire et est une référence évidemment incontournable pour les échanges entre pays européens. Et cela représente un avantage compétitif et stratégique non négligeable pour les États-Unis et l’Europe.

Des devises recherchées

En effet, les banques centrales du monde entier, y compris celle de la Russie, possèdent des réserves en devise étrangères. Le Dollar américain et l’Euro prennent typiquement une place de choix dans ces réserves, car elles sont les plus utiles lorsqu’il s’agit de soutenir sa devise ou de rembourser ses dettes.

Cet état de fait est une aubaine pour les États-Unis et pour l’Europe, qui trouvent dans les banques centrales du monde entier des acheteurs naturels et réguliers de leurs devises et de leurs dettes.

Mais si le rôle, aujourd’hui prépondérant du Dollar et et de l’Euro venait à se réduire, cela pourrait changer la donne. Si par exemple les prix de certaines commodités et de ressources énergétiques s’affichaient non plus en Dollars mais en Roubles russes et/ou en Yuan chinoises, la nécessité de toujours détenir d’importantes quantités de Dollars baisserait.

Dans un tel scénario, une dépréciation du Dollar au profit des devises étrangères deviendrait possible. Ce qui arrangerait bien Poutine, mais pas que. Car il est clair que le rôle prépondérant du dollar américain dans le commerce international fournit une arme stratégique puissante aux États-Unis. Dont les dirigeants n’hésitent pas à user lors de négociations internationales.

L’Europe résiste… pour l’instant

L’Union Européenne résiste et conteste la décision unilatérale du président russe. Et se prépare en même temps à une possible interruption des livraisons de gaz russe dans les jours à venir.

Si les deux parties n’arrivent pas à un accord, le sujet sera soumis à une cour d’arbitrage à Stockholm. Selon les termes des contrats en place, tant que la dispute juridique n’est pas résolue, le gaz devrait continuer à être livré. Mais dans la pratique, Gazprom pourrait couper le gaz à tout instant.

Si, et c’est un grand si, un accord était trouvé entre la Russie et ses clients, il faudrait probablement du temps pour le mettre en pratique. Une période d’interruption de service est donc parfaitement possible, et certains diraient probable.

Le chancelier Allemand Olaf Scholz a déjà prévenu que l’Allemagne pourrait alors devoir rationner la fourniture d’électricité à son industrie. À suivre…

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