La Chine et son risque politique

Jul 29, 2021

Parmi les risques que les investisseurs prennent quotidiennement, le risque politique est l’un des plus complexes à évaluer. Les récentes décisions du gouvernement chinois permettent de l’illustrer très concrètement.

Le “crackdown” de Pékin sur ses propres entreprises

En l’espace de quelques mois, le gouvernement chinois est intervenu avec force dans la gestion de son économie, impactant la destinée de grosses sociétés technologiques au passage. 

L’introduction ratée d’Ant Group

Cela a commencé au mois de novembre 2020, quand le gouvernement s’est opposé à l’introduction en bourse d’Ant Group, une fintech gigantesque dont l’application est utilisée par plus d’un milliard de Chinois (vous avez bien lu). Motif ? L’entreprise occuperait dans son secteur une position quasi-monopolistique, qui nécessiterait une revue en profondeur de son activité par les autorités chinoises.

Étant donné la taille de la clientèle d’Ant, ces allégations semblent légitimes. Ce qui est néanmoins surprenant, c’est le timing avec lequel le gouvernement Chinois a décidé d’intervenir : quelques jours avant l’introduction à la bourse de New York. 

Les sociétés cotées à l’étranger dans le viseur

Début juillet, rebelote. Cette fois-ci, ce sont toutes les sociétés cotées aux US qui se retrouvent visées par une forme ou une autre de contrôle. Le Conseil d’État chinois, une des plus hautes instances du pays, annonce qu’il “consolidera dorénavant les responsabilités sur la sécurité des informations des sociétés cotées à l’étranger”.  

L’impact sur les cours de bourse ne s’est pas fait attendre. Parmi les valeurs les plus touchées, l’application de transport Didi, introduite quelques jours auparavant à un cours de 14 dollars par action, qui voit sa valorisation boursière chuter de près de 25%.



Les sociétés d’éducation privée interdites de réaliser des profits ?

Dernière initiative en date, le parti communiste envisage d’introduire de nouvelles règles qui interdisent aux sociétés d’éducation et de soutien scolaire de réaliser des profits, de lever des capitaux et de s’introduire en bourse. La fuite de cette proposition législative a provoqué une forte correction dans le secteur, dont les leaders valaient plusieurs dizaines de milliards de dollars avant la chute.

Ainsi, TAL Education a vu sa valorisation fondre de 59 milliards de dollars en février, à moins de 4 milliards aujourd’hui. Son rival Gaotu Techedu, vaut moins d’un milliard de dollars, soit 38 fois moins qu’à son plus haut en janvier dernier.

Des explications rationnelles

Contrairement à ce que l’on a pu lire ici ou là, l’ensemble de ces mesures annoncées ou attendues ne sont pas juste le fruit d’une saute d’humeur de Xi Jinping.

Commençons par celles qui sont attendues dans le secteur éducatif privé. Rappelons-nous que l’éducation très stricte et exigeante que certains parents chinois imposent à leur progéniture peut nuire à la santé des enfants. C’est la raison pour laquelle la Chine a par exemple interdit les cours en ligne après 9 heures du soir. Par ailleurs, le coût élevé des cours privés risque de creuser l’écart entre les riches et les classes moyennes. Ce que le Parti ne souhaite pas. Enfin, la compétition éducative intense pourrait conduire les foyers à miser tout sur un seul enfant, et peser sur le taux de natalité... que le gouvernement chinois cherche par ailleurs à stimuler.

Pour ce qui est des sociétés cotées à l’étranger, la démarche chinoise peut à nouveau s’expliquer. La plupart des entreprises chinoises cotées aux US y font très peu d’affaires. Il s’agit, dans la grande majorité des cas, de sociétés dont les activités sont concentrées sur le territoire chinois. Or les capitaux en Chine ne manquent pas lorsqu’il s’agit de financer ces entreprises technologiques et en croissance. Les cotations aux US créent de la pression haussière et non-désirée sur le renminbi (la devise chinoise) et nuisent aux efforts de la Chine visant à établir Hong Kong comme centre financier international.

Ces mesures, rationnelles ou non, secouent fortement les marchés

Des pertes immédiates

Ce qui se décide à Pékin impacte le monde entier. Certaines des valeurs boursières susmentionnées se retrouvent dans les portefeuilles des plus prestigieux gérants internationaux, comme Blackrock et Vanguard aux US, Baillie Gifford ou Amundi en Europe. Et ces sociétés gèrent indirectement l’épargne de dizaines de millions d’épargnants. Ainsi, bien que Didi ou Tuya vous soient probablement inconnues, leurs chutes vertigineuses en bourse ont des conséquences sur la performance de vos placements.

Une réduction structurelle de l’exposition aux entreprises chinoises 

Si les décisions du Parti peuvent s’expliquer, leur brutalité et leur étendue en a surpris plus d’un. De nombreuses introductions en bourse, jusque là sérieusement envisagées, ont été suspendues ou reportées, mais pourraient tout simplement ne jamais avoir lieu. Car les investisseurs se méfient maintenant des valeurs chinoises. 

Il est maintenant clair que le Parti Communiste Chinois a fait une priorité du contrôle de la data et de la stabilité financière et sociale, mais personne ne sait où et quand cette priorité se traduira en nouvelles restrictions. Et les investisseurs détestent l’incertitude.

La révérée Cathie Wood, patronne du fonds Ark Investment Management, a pris le taureau par les cornes en réduisant l’exposition de son fonds “Innovation” aux valeurs chinoises de 8% à 0,32%. Et ce n’est qu’un exemple parmi tant d’autres.

Le risque politique existe depuis la nuit des temps

Cet exemple illustre bien comment la politique d’un pays peut d’un coup transformer un actif a priori séduisant en une grosse “paume”. 

Mais c’est loin d’être la première fois que le risque politique se manifeste. Quand les révolutionnaires russes ont tout bonnement annulé la dette héritée du tsarisme, ils ont provoqué une véritable onde de choc sur les marchés. Idem quand Poincaré a décidé de dévaluer la valeur du Franc de 80%, ou quand l’étalon-or a été abandonné après la première Guerre Mondiale. Bien plus récemment, les impacts du Brexit sur certaines valeurs boursières ont été (et continuent d’être) considérables.

Comment se protéger contre le risque politique ?

C’est la question à dix milliards (si on prend comme référence les pertes récentes des sociétés chinoises). Pas facile d’y répondre, car il existe de nombreux pays où les décisions politiques sont difficiles, voire impossibles à anticiper. Et il ne s’agit pas que de pays dont les régimes politiques sont autoritaires. Les États-Unis, la Grande Bretagne et l’Union Européenne n’hésitent pas, eux aussi, à introduire de temps à autre des mesures protectionnistes soudaines qui peuvent fortement altérer les perspectives de secteurs entiers de l’économie. Par exemple, Joe Biden a récemment nommé Lina Kahn à la tête de la puissante Federal Trade Commission. La jeune femme est connue pour ses positions anti-GAFA très affirmées. Faut-il craindre des mesures restrictives à l’égard de Google, Apple, Microsoft et Amazon ? Possible. Faut-il vendre immédiatement toutes ses actions dans ces mastodontes de la tech américaine ? Sûrement pas.

Notre réponse, imparfaite, est double. Premièrement, la diversification de ses placements, par géographie et par secteur d’activité, protège structurellement l’épargnant contre les risques politiques qui affecteraient une activité particulière dans un pays spécifique. Deuxièmement, un suivi régulier de l’actualité politique permet de se sensibiliser à des risques politiques potentiels. Ce qui est certain est que le risque politique ne disparaîtra jamais, il faut donc apprendre à vivre avec.

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