Doughnut Économie: Prospérité dans les Limites Planétaires

Sep 1, 2020

Kate Raworth fait partie de ces économistes dont les idées sont aussi originales que brillantes. Voici en quelques paragraphes et trois dessins comment l’humanité peut combiner prospérité et préservation de la planète. Spoiler alert : il va falloir changer de modèle !

La croissance, c’est bien… non ?

Raworth, diplômée en économie de la très prestigieuse université d’Oxford, a reçu une formation classique, reposant sur des théories économiques du XXème siècle tellement répandues qu’elles sont aujourd’hui considérées comme des canons.

Voici, selon ces théories, comment l’économie (devrait) marche(r) :


  • Les ménages (c’est-à-dire les individus) fournissent du travail aux entreprises, 
  • En contrepartie de quoi, les entreprises versent un salaire et des dividendes aux ménages ;
  • Ces entreprises, grâce au travail et au capital fournis, produisent des biens et des services…
  • ...que les ménages consomment, en échange d’argent (capital)

Pour le formuler autrement : les ménages et les entreprises ont chacun des besoins (demande), et des produits (offre). Ces forces s’équilibrent et constituent une sorte de cercle vertueux, dont la finalité est... la fameuse croissance

Cette croissance est typiquement mesurée par l’évolution du Produit Intérieur Brut (“PIB”) — la somme de la valeur de tous les biens et services produits dans le pays. Ce qui devrait en théorie vouloir dire que plus le temps passe, plus la richesse augmente. 

So far, so good, comme dirait Keynes. Sauf que ce modèle ignore certaines réalités ou “défaillances”, que Raworth estime au nombre de quatre :

  1. Ce schéma ne tient pas compte des ressources naturelles qui sont consommées pour produire les biens et services, souvent décrites comme des “externalités environnementales” dont on faisait l’hypothèse (à tort) qu’elles étaient inépuisables ;
  2. Le travail n’est pas toujours rémunéré. Pour s’en rendre compte, il suffit de demander à ceux qui ont des enfants (ou aux enfants qui sont en stage) ;
  3. Beaucoup de valeur est créée sans qu’il n’y ait échange d’argent. Pensez à l’encyclopédie en ligne gratuite Wikepedia, à l’école publique, ou à notre système de santé ;
  4. Si la richesse mondiale a bel et bien augmenté depuis 1950, elle n’a pas été distribuée équitablement parmi les agents économiques (ménages et/ou entreprises). Dans les faits, le pouvoir d’achat d’une très grande majorité de la population mondiale a stagné, et seuls quelques privilégiés ont vu leur niveau de vie augmenter — c’est ce qu’on appelle la fracture sociale. La tendance est la même du côté des entreprises. Il y a souvent quelques “grands gagnants” et beaucoup de petits qui luttent pour préserver leur activité au jour le jour.

La croissance économique, donc, n’est pas nécessairement une fin en soi. Elle a beau, selon de nombreux économistes, être le meilleur moyen de créer des emplois et d’améliorer le niveau de vie des populations. Elle a beau être également brandie par les dirigeants politiques pour se faire élire. La croissance économique, verte ou pas, ne signifie pas forcément que le monde va mieux. Si nous consommons toutes les ressources disponibles, ou que les richesses créées ne profitent pas tous à ceux qui les produisent, le modèle ne tiendra pas dans le temps.

Pour Raworth, le culte de la croissance à l’infini n’est ni possible, ni désirable. Il faut donc réinventer le modèle !

Le modèle du doughnut

Plutôt que de nous proposer le n-ième diagramme à bandes, elle a inventé le “doughnut”, un modèle fondée sur deux cercles concentriques, dont nous reproduisons une copie ci-dessous :

Selon l’économiste, notre objectif ne doit plus être la croissance économique à tout prix, mais de “répondre aux besoins de tous, dans les limites des ressources de la planète, afin de prospérer”. En d’autres termes, de tout faire pour être au dessus du “plancher social”, sans dépasser le “plafond écologique”.

Le plancher social représente l’accès à des ressources élémentaires comme l’eau, la nourriture, une habitation décente, le travail, ainsi que l’accès à des services de santé, d’éducation et d’énergie. Le tout en bénéficiant d’une justice indépendante, d’équité sociale, d’égalité entre les sexes et de liberté de choix politique. Ces critères sont largement acquis en Europe, mais dans le monde, une personne sur huit ne mange pas à sa faim, une sur cinq n’a pas d’électricité et plus d’une sur cinq doit vivre avec moins de 1,25 euro par jour.

Maintenant, toute la subtilité de ce modèle réside dans notre capacité à atteindre ce seuil sans dépasser la borne du deuxième cercle: le “plafond écologique”, délimitant les ressources naturelles dont dispose la planète. L’intérieur de ces des deux cercles représente la zone du doughnut dans laquelle les humains peuvent prospérer à l’infini, sans perturber leur habitat naturel.

Malheureusement, sur certains critères écologiques notamment, nous sommes déjà sortis de la piste. Raworth souligne notamment les dommages sur la biodiversité, le réchauffement climatique et la déforestation. Selon elle, il serait urgent d’appuyer sur le frein afin de revenir à l’intérieur du cercle, avant que ces excès ne provoquent des déséquilibres potentiellement irréparables.

Une nouvelle définition de la réussite économique et du progrès

Attention, Raworth ne prône pas la décroissance, elle ne souhaite pas un retour à l’âge de pierre, et ne s’oppose pas à l’innovation. Au contraire, selon elle, l’obligation de respecter certaines limites peut stimuler le génie, l’invention et le progrès. Comme elle le rappelle dans une de ses nombreuses conférences TedX, Mozart a bien composé l’ensemble de son oeuvre sur un clavecin à seulement 5 octaves (vs 8 en temps normal).

Elle avance tout simplement l’idée que la croissance ne doit plus être le seul objectif que nous nous fixons. Dans un contexte où les inégalités persistent et où la planète montre de réels signes de faiblesses, l’heure n’est plus au toujours plus, mais au toujours mieux. 

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