La france passe de AA à AA-

May 3, 2023

La semaine dernière, l’agence de notation Fitch a décidé de downgrader la France. C’est l’occasion pour nous d’expliquer l’importance de ces notations, et aussi d’étudier les raisons pour lesquelles Fitch pense que la solvabilité de la France est (légèrement) moins robuste qu’avant.

Qu’est-ce qu’une agence de notation

Il existe trois grandes agences de ce type dans le monde : Moody’s, Standard & Poor’s et Fitch. Leur métier est d’analyser la qualité des grands emprunteurs dans le monde, en leur attribuant des notes de solvabilité. Il s’agit notamment de pays, comme la France, mais aussi de banques, ou encore d’entreprises qui ont régulièrement recours aux marchés obligataires, comme Apple ou EDF par exemple. 

Les notes qu’elles attribuent permettent aux investisseurs de se faire une idée de la capacité d’un emprunteur à rembourser ses dettes. Plus la note de l'emprunteur est élevée et plus vous êtes théoriquement sûrs de vous faire rembourser. Il est donc fréquent qu’un émetteur obligataire sollicite plusieurs notations, de la part de 2 ou 3 agences, pour proposer aux investisseurs un benchmark de plusieurs “ratings” (le nom donné à ces notations).

La grille de notation

Heureusement pour nous, les trois agences ont adopté un système de notation similaire, basé sur des lettres. Le triple A est la note maximale, qui dénote un risque quasi-nul pour les prêteurs. Seuls onze États bénéficient de cette note d’excellence, à savoir : l’Australie, le Canada, le Danemark, l’Allemagne, le Liechtenstein, le Luxembourg, la Norvège, les Pays-Bas, Singapour, la Suède et la Suisse. Ensuite la qualité des émetteurs diminue progressivement avec l’alphabet, les ratings allant jusqu’au C, signifiant un risque très élevé de défaut. 

Il existe une distinction importante entre les entités notées BBB (ou Baa chez Moody’s) et mieux, et les emprunteurs dont la note est de BB+ (ou Ba chez Moody’s) ou pire. Les premiers constituent la catégorie dit “investment grade”, des titres de bonne qualité jouissant d’une forte probabilité de remboursement. À l’inverse, les seconds sont labellisés comme faisant partie des émetteurs de “high yield” (obligations à rendement élevé), par les optimistes, ou encore de “junk bonds” (obligations poubelles) par les pessimistes.

Voici comment Moody’s résume la différence entre catégories de notation :

Source : site web Moody’s

Des notes très respectées

Il arrive que les agences de notation se trompent, et que certains emprunts qualifiés “investment grade” s’avèrent être de mauvais payeurs. Moody’s avait par exemple donné la note de A3 — le 7ème meilleur cran dans son système et fermement en territoire “investment grade — à la fameuse Silicon Valley Bank jusqu’au 8 mars dernier. Soit jusqu’à quelques semaines avant sa faillite.

Mais dans l’ensemble, les agences font bien leur boulot, et partagent des statistiques très utiles sur la probabilité de défaut. Le tableau suivant, publié par Moody’s, est une référence dans le secteur des emprunts obligataires.

Il montre le taux de défaut cumulé sur une période allant de 1 à 10 ans, selon la note de l’émetteur au départ. Ainsi, une dette notée A3 au départ a 0,021386% de chances de ne pas être remboursé un an plus tard. Cette probabilité monte à 0,99% sur une période de 10 ans.

À l’inverse, un émetteur noté Caa a 35% de chances de ne pas rembourser 10 ans après l’emprunt. C’est tout de même une chance sur trois !

Un rôle majeur sur les marchés financiers

Les fonds de pension, les gestionnaires d’actifs et les sociétés d’assurances, qui investissent des centaines de milliards d’euros en obligations tous les ans, accordent une grande importance aux notations.

De nombreux gérants sont contractuellement obligés de n’investir que dans des obligations “investment grade”. Avec des limites proportionnelles qui augmentent avec la qualité de la note.

Par ailleurs, les notations les aident à établir une hiérarchie entre titres obligataires et leurs rendements correspondants. Si je peux acheter une obligation émise par l’Allemagne, notée AAA, à un rendement de 2,30%, combien de plus dois-je exiger sur une obligation émise par l’Italie, notée BBB ?

Pour un emprunteur donné, la qualité de sa notation influe donc sur : 

  • Le volume de dette qu’il pourra lever (plus sa note est élevée, plus il y aura de volume d’investissement théoriquement disponible)
  • Le coût de son endettement (plus sa note est bonne, moins il aura à payer)

La France passe de AA à AA-

La France n’est plus dans la catégorie des meilleurs emprunteurs au monde depuis des années, mais elle reste très bien notée. Fitch avait assigné la note de AA à notre pays, soit deux crans sous le triple A. Mais Fitch vient de décider d'abaisser la note d’un cran de, à AA-.

Pourquoi la France est-elle pénalisée ?

Dans son rapport, Fitch signale principalement que les comptes publics Français perdent en solidité. Le déficit fiscal de la France pourrait atteindre 5% du Produit National Brut cette année. Or, sur ce critère, le niveau médian des pays notés double A est de 2,3%.

Par ailleurs, l’agence note que les dépenses publiques sont difficiles à réduire, car un tiers est indexé sur l’inflation. La récente réforme des retraites est saluée par l’agence, mais perçue comme ayant un impact trop modeste.

Fitch souligne aussi le niveau élevé d’endettement du pays. À 112% du PNB, la France est le pays le plus endetté parmi les pays de la catégorie des double-A. Pire, notre taux d’endettement dépasse le double de la médiane du groupe. 

Des craintes socio-politiques

En outre, l’agence s’inquiète de l’instabilité sociale et politique du pays, soulignant notamment les récentes contestations et mouvements sociaux, qui — selon elle — pourraient conduire à la montée des partis extrémistes, dont les programmes politiques sont beaucoup moins respectueux de l’équilibre des comptes.

Fitch exprime aussi sa crainte que le Président Macron et son gouvernement aient beaucoup de mal à appliquer le programme de réformes proposé avant les dernières élections.

Quelles conséquences pour la France ?

Il est impossible de mesurer l’impact mathématique sur le coût de la dette de la France. Les rendements sur les OAT évoluent en permanence, sous l’influence de très nombreux facteurs, dont les notations. 

Mais la tendance est défavorable. Car la France doit désormais payer environ 0,5% de plus sur sa dette que l’Allemagne. Cet écart n’était que de 0,3%, il y a deux ans. 

Les deux autres grandes agences de notation, Standard&Poor’s et Moody’s, ont toujours une très haute opinion de la France, et la notent AA et Aa2 respectivement. Soit deux crans sous la meilleure note possible de triple-A. Mais leurs experts sont en train de conduire leur analyse ces jours-ci et publieront leurs conclusions dans le courant du mois de juin.

À suivre !

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