Famille Royale: est-ce toujours rentable?

Sep 13, 2022

Le décès de la reine Elizabeth II et l'ascension au trône du roi Charles III fascinent le monde entier. Au-delà des fans et des royalistes, c’est l’occasion pour de nombreuses personnes et certaines nations membres du Commonwealth de se poser la question “mais à quoi sert cette famille royale ?” en y ajoutant souvent sans le dire “qui nous coûte autant”.... Dans cet article, nous analyserons les finances de la famille royale pour en déterminer la réelle valeur économique… Et ce n’est pas si évident que cela.

La famille royale coûte cher, en absolu

Un budget considérable pour “la Firme”

Le coût total de la famille royale est relativement simple à calculer. L’entité qu’on appelle aussi “la Firme” depuis que le roi George VI lui a attribué ce surnom, publie chaque année un rapport. Le dernier, sorti le 29 juin dernier, fait état d’un budget total de 102,4 millions de livres, soit 119 millions d’euros sur l’année fiscale 2021 / 22.

Précisons tout de suite qu’une partie considérable de cette somme est dédiée à la rénovation du palais de Buckingham sur 10 ans. Pour mettre les choses en perspective, la reconstruction de Notre Dame de Paris devrait coûter entre 400 et 500 millions d’euros. 

Sur la subvention de la famille royale — Sovereign Grant — d’environ 100 millions d’euros (86,3 millions de livres), 40 millions sont consacrés à la rénovation du palais. Restent donc un peu plus de 60 millions d’euros pour financer les activités de la firme — voyages de représentation, les employés, la sécurité, etc.

Le Sovereign Grant prélevé sur le Crown Estate

Cette subvention n’est pas directement payée par le contribuable anglais. Il s’agit d’une rétrocession accordée par le gouvernement britannique sur les profits réalisés par le Crown Estate. Le Crown Estate regroupe le gros des des actifs immobiliers et des terres qui appartiennent au monarque régnant. Rêvons un peu. Sont inclus la totalité de la fameuse Regent Street ainsi que St James. Quelques châteaux, tel que Windsor, et des lieux emblématiques comme l’hippodrome d’Ascot en font également partie. Il y a aussi tout le sol marin qui entoure l’île jusqu’à 12 miles depuis la côte. Ce dernier a pris énormément de valeur, puisque c’est là où les parcs d’éoliennes sont installés. L’ensemble vaut, à peu près, 15,6 milliards de livres.

Le dirigeant du Crown Estate informe une fois par an le souverain de l’état des affaires du portefeuille d’actifs. Car depuis 1760, la monarchie autorise que les terres et l’immobilier du Crown Estate soient gérés pour elle. Tous les bénéfices éventuels sont destinés au Trésor Public, mais 25% de ceux-ci sont donc attribués à la famille royale, sous forme de subvention. Ce pourcentage fut de 15% jusqu’en 2016, et augmenté pour dix ans spécifiquement pour financer les travaux de Buckingham Palace.

Un coût par contribuable raisonnable

Le coût de la famille royale revient donc à 1,29 livres, soit 1,50 euros par citoyen par an ! Si l’on déduit de cette somme les dépenses extraordinaires liées au programme de rénovation de Buckingham Palace, on tombe à 77 pence (soit 0,89 euro).

Pas de droits de succession

Afin d’être complet dans notre analyse, notons que la famille royale bénéficie d’un régime fiscal particulier, qui l’exonère de droits de succession. Pour la suite de notre analyse et par souci de simplicité, nous ignorerons cet avantage significatif. Mais il faut garder en tête que si la Firme coûte effectivement au trésor public Britannique, c’est aussi grâce aux abattements fiscaux exceptionnels dont elle profite.

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La famille royale s’autofinance en grande partie

Si le montant versé par le Trésor à la Firme n’est pas négligeable, il reste acceptable si on le rapporte par citoyen. Cette relative modération est liée au fait que la famille royale génère des revenus de façon indépendante, et ne dépend donc pas uniquement de la subvention qui lui est accordée tous les ans.

Le Duché de Lancaster

Le Duché de Lancaster est par exemple un domaine privé qui appartient au monarque régnant depuis 1399. Il comprend plus de 18 000 hectares de terres, dont des terres agricoles, de l’immobilier commercial, des droits miniers, des fermes et des investissements financiers. Ce portefeuille d’actifs (très diversifié) est valorisé à plus de 650 millions de livres et a rapporté 24 millions de livres lors de la dernière année fiscale.

En 1992, à la suite de l’incendie du château de Windsor, la reine Elizabeth a accepté de se soumettre à l’impôt et paie la taxe sur le revenu ainsi que sur les gains en capitaux.

Le Duché de Cornouailles

Mais ça ne s’arrête pas là. La famille royale possède également le Duché de Cornouailles, un autre domaine privé établi par Edouard III en 1339. Si vous ne vous êtes pas encore fait la remarque, oui, les Windsor investissent sur le long terme ! Ce domaine est typiquement géré par l’héritier au trône, qui en engrange les bénéfices. Il tombe ainsi dans l’escarcelle du Prince William, maintenant que Charles est devenu roi.

Ce domaine comprend plus de 52 000 hectares de terres, dont la plupart des îles de Scilly, et des grandes parties de la région de Dartmoor, ainsi que le terrain de cricket mythique “The Oval”, en plein centre de Londres. Le tout a été valorisé à plus d’un milliard de livres sterling, et a rapporté 23 millions de livres l’année dernière.

Autres actifs divers

Enfin, listons en vrac quelques autres actifs, qui incluent des investissements dans des start-ups, des chevaux de course (une passion de la reine), plusieurs châteaux, dont Balmoral, et une collection de timbres. Il est difficile d’évaluer ce que pourraient rapporter ces actifs sur une base annuelle, mais il est certain que ce n’est pas nul. 

La famille royale rapporte aussi beaucoup !

Le tourisme

Si les coûts de la famille royale sont précisément connus, son impact positif sur l’économie britannique est plus complexe à estimer. Mais il est indéniable qu’une partie des touristes venant en Angleterre viennent, entre autres, pour la famille royale. Une étude de 2018 estimait qu’elle avait généré pas loin de 600 millions de livres de revenus pour le secteur touristique, soit plus de 5 fois que ce qu’elle coûte.

Et l’impact est particulièrement notable lors de grands évènements, comme les mariages, les jubilés de la reine Elizabeth et aussi, malheureusement, les décès.

Un soft power pour promouvoir les intérêts britanniques

C’est encore plus difficilement quantifiable, mais les voyages officiels des membres de la famille royale servent également à avancer les intérêts de l’économie britannique et des grandes entreprises anglaises. 

Certes, tous les pays, monarchiques ou pas, jouent ce jeu et envoient régulièrement des délégations à travers le monde. Mais quand le chancelier allemand rencontrera le premier ministre japonais en déplacement à Tokyo, la reine (ou le roi) d’Angleterre sera reçue par l’empereur du Japon… La portée symbolique de ce genre de déplacement est sans comparaison.

Puis il y a le Commonwealth, cette organisation de 56 états membres, presque tous anciennement des colonies de l’Empire britannique. L’influence de la famille royale, et son importance symbolique pour préserver l’union et les liens privilégiés au sein du Commonwealth ont sans doute contribué à la génération d’accords commerciaux et à la conclusion de gros contrats industriels internationaux, bénéfiques à l’économie britannique.

Image de marque

Enfin, la famille royale fait rayonner l’image du Royaume-Uni à travers le monde et au sein même de son territoire. C’est toujours très difficile à quantifier en termes purement financiers, mais la continuité de la monarchie britannique constitue un facteur de stabilité politique et sociale. Malgré ce qu’en disent ses opposants, la famille royale contribue indéniablement à l’unité nationale.

En conclusion, sans rentrer dans un débat sur la légitimité de leur statut et de leur rôle réel dans la gouvernance du pays, nous pouvons confortablement affirmer que la famille royale britannique est financièrement rentable pour le pays. 

Au regard du très grand nombre de réactions suite au décès de la reine Elizabeth, on peut aussi avancer que son impact va bien bien au-delà de simples considérations financières… mais que cela dépend alors du monarque en question.

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