Qu’est-ce qu’un trust : gestion, bénéficiaires et implications fiscales en France.
Le trust est un concept juridique issu du droit anglo-saxon, permettant à une personne (le settlor ou constituant) de transférer la propriété de biens ou d'actifs à un tiers (le trustee) chargé de les gérer au profit d'un ou plusieurs bénéficiaires. Ce mécanisme, absent du droit civil français, offre une flexibilité unique en matière de gestion patrimoniale et de planification successorale. Le patrimoine placé dans un trust peut inclure une grande variété de biens, tels que des actifs financiers, des biens immobiliers, des entreprises, des œuvres d'art, ou encore des biens mobiliers précieux. L’objectif est d’assurer une gestion structurée et pérenne de ces actifs dans l’intérêt des bénéficiaires désignés.
Le trust trouve ses racines dans la common law anglaise, remontant au Moyen Âge. À cette époque, il s'est développé comme un moyen de contourner certaines restrictions féodales sur la transmission des terres. Les seigneurs cédaient leurs terres à des tiers de confiance afin d’éviter la saisie ou des pertes suite à des conflits juridiques. Ce mécanisme juridique a rapidement évolué pour s’adapter à des besoins plus larges en matière de gestion patrimoniale et successorale. Au fil des siècles, le concept s'est étendu à d'autres juridictions de common law et a évolué pour englober une variété d'applications financières et juridiques. Aujourd’hui, le trust est devenu un outil universel, utilisé dans de nombreux pays pour répondre à des besoins variés comme la protection du patrimoine, la réduction de l'impôt ou la planification de la transmission des actifs à des bénéficiaires.
Dans un trust, le constituant transfère la propriété juridique des biens au trustee, tandis que les bénéficiaires détiennent un droit économique sur ces mêmes biens. Le trustee, qui peut être une personne physique ou une entité juridique spécialisée, a l'obligation fiduciaire de gérer les actifs du trust conformément aux instructions du constituant et dans l'intérêt exclusif des bénéficiaires. Ces derniers peuvent être des membres de la famille, des tiers, ou même des organisations caritatives, et peuvent être désignés à titre individuel ou en tant que groupe (par exemple, "mes descendants directs"). Les bénéficiaires reçoivent généralement les revenus générés par les actifs (comme des dividendes ou des loyers) et/ou le capital selon les modalités prévues dans l'acte de trust. La souplesse du trust permet d'adapter les distributions aux besoins spécifiques des bénéficiaires, comme le financement des études, la prise en charge des dépenses médicales, ou la mise à disposition de ressources à des moments clés de leur vie.
Bien que la France n'ait pas ratifié la Convention de La Haye de 1985 sur les trusts, la jurisprudence française reconnaît généralement les effets des trusts étrangers. Ces trusts sont souvent utilisés par des expatriés ou des personnes ayant des liens avec des pays de common law. Cependant, en cas de litige, les tribunaux français peuvent réévaluer un trust selon des mécanismes juridiques locaux (par exemple, une donation, une indivision ou une société civile), ce qui peut en modifier les effets juridiques et fiscaux. Cette réévaluation dépend de la manière dont le trust est structuré, des droits des bénéficiaires et des obligations du trustee.
Le régime fiscal des trusts en France est complexe, en particulier pour les bénéficiaires résidents français. L’article 792-0 bis du Code général des impôts (CGI) définit le trust et prévoit son traitement fiscal. Les actifs détenus dans un trust peuvent être soumis à l’impôt sur le revenu, aux droits de succession et potentiellement à l’Impôt sur la Fortune Immobilière (IFI). Par exemple, les revenus générés par le patrimoine placé dans un trust, comme les dividendes ou les intérêts, peuvent être imposés comme s’ils étaient perçus directement par les bénéficiaires. De plus, les actifs du trust sont intégrés dans l’assiette des droits de succession, parfois à des taux particulièrement élevés en l’absence de lien de parenté entre le constituant et les bénéficiaires.
Les trusts offrent plusieurs avantages en matière de gestion et de préservation du patrimoine. Ils permettent de protéger les actifs contre les créanciers ou les litiges, en les isolant juridiquement dans une structure distincte. Cela peut s’avérer crucial pour garantir que le patrimoine sera transmis aux bénéficiaires selon les volontés du constituant, indépendamment de circonstances imprévues comme une faillite ou un divorce. De plus, les trusts permettent une grande flexibilité dans la distribution des revenus et du capital, avec des conditions spécifiques pouvant être adaptées aux besoins des bénéficiaires (par exemple, le versement des revenus pour financer des études ou un mariage). Les trusts peuvent également réduire les droits de succession, notamment lorsqu’ils sont créés dans des juridictions offrant des avantages fiscaux. Enfin, le recours à un trust permet une confidentialité accrue, car les actifs n'apparaissent pas directement au nom des bénéficiaires ou du constituant dans les registres publics.
Malgré leurs avantages, les trusts présentent des inconvénients. Ils nécessitent des coûts élevés de mise en place et de gestion, en raison de la nécessité d'impliquer des avocats, des fiscalistes et parfois des gestionnaires professionnels. De plus, le constituant perd une partie de son contrôle sur les actifs une fois qu’ils sont transférés au trust. Cette perte de contrôle peut s'avérer problématique si les relations avec le trustee se détériorent ou si les conditions économiques évoluent. Enfin, en France, le trust est souvent soumis à une requalification fiscale, ce qui peut entraîner une fiscalité plus lourde pour les bénéficiaires. Cette incertitude juridique et fiscale peut rendre l’utilisation des trusts plus risquée pour les résidents français.
Le choix de la juridiction et du type de trust est une étape critique. Il doit être aligné sur les objectifs patrimoniaux et successoraux du constituant, ainsi que sur le statut fiscal des bénéficiaires. Certaines juridictions, comme les îles Anglo-Normandes, le Royaume-Uni ou Singapour, offrent des cadres favorables aux trusts. Il est également important de déterminer si le trust sera discrétionnaire (où le trustee a une marge de manœuvre pour les distributions) ou non discrétionnaire (avec des modalités fixées à l’avance).
Créer un trust passe par plusieurs étapes : définir ses objectifs (protection patrimoniale, transmission aux bénéficiaires, réduction de la fiscalité), sélectionner la juridiction appropriée, choisir un trustee compétent (souvent une entité professionnelle), rédiger l’acte de trust, transférer les actifs au trust, et organiser une gestion régulière avec un suivi juridique et fiscal.
La création d’un trust doit être mûrement réfléchie, en tenant compte des avantages, comme la protection du patrimoine et la flexibilité dans la gestion des actifs, mais aussi des contraintes fiscales, des coûts et des implications juridiques.
Les trusts impliquent une interaction complexe entre le droit international privé, le droit fiscal et le droit patrimonial. Consulter un avocat spécialisé permet de garantir que le trust est conforme à la loi, optimise la gestion des actifs et respecte les droits des bénéficiaires. Une bonne planification permet d’assurer que le trust remplit ses objectifs à long terme.